vendredi 28 décembre 2007

Table des Matières

TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE PREMIER

Des arènes.

§ i Origine des Arènes.
§ ii Construction des Arènes.
§ iii Ce qu'on entend par 'Pourchasses' et 'Rotices' des Arènes.
§ iv Comment se sont formés les districts et les limites des Arènes.
§ v Avantages et bénéfices des Arènes.
§ vi Désignation des Arènes et des Arènes franches.
§ vii Des abattemens et communications.

CHAPITRE II

Des Arèniers.

§ i Des titres, droits et prérogatives des Arèniers.
§ ii Du cens d'Arène.
§ iii Droits des Arèniers maintenus par les lois actuelles.
§ iv Les Arèniers sont-ils dans l'obligation d'entretenir les Arènes?

CHAPITRE III

Des exploitans.

§ i Origine des titres des Exploitans.
§ ii Moyens employés par les Exploitans pour s'affranchir du cens d'Arène.
§ iii Atteintes et dommages causés aux Arènes.
§ iv Des contestations actuelles entre les exploitans et les Arèniers.
§ v Utilité des Arènes aux pompes à vapeur.

CHAPITRE IV

De la cour des Voir-Jurés.

§ Unique. De la cour des Voir-Jurés du Charbonnage.

mercredi 26 décembre 2007

Avant Propos

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AVANT PROPOS.

Dans son action destructive, le temps n'eut jamais d'auxiliaire plus actif que les révolutions; celles-ci font disparaître les ruines qu'il a laissées debout et effacent de la mémoire des hommes, les traditions les plus utiles.
Bien que de nos jours, les tribunaux aient retenti et retentissent encore des discussions élevées entre les exploitans des mines de houille et les propriétaires des arènes, néanmoins la matière de ces discussions paraît être généralement inconnue : elle est presque totalement étrangère aux intéressés et les exploitans, qui pourraient le mieux en discourir avec connaissance de cause, se refusent à reconnaître l'évidence des faits parce que leurs intérêts privés s'y trouvent plus ou moins engagés.
L'Utilité constante et perpétuelle des arènes, les droits sacrés et irrévocablement concédés

=ii=
à ceux qui les ont construites, à leurs successeurs ou ayant cause, le refus des exploitans de reconnaître ces droits, les moyens généralement employés pour se soustraire aux prétentions légales des Arèniers, toutes ces considérations m'ont déterminé à entreprendre cet opuscule. Puisse-t-il produire quelque rectitude dans les idées que l'on s'est formées des arènes et des droits des arèniers! Puisse-t-il surtout concourir à faire jouir des administrations de bienfaisance de la ville de Liége, co-propriétaires de plusieurs arènes, d'une portion intéressante du patrimoine de l'indigence!
Ce fût en vain que pour arrêter et prévenir les procédures dispendieuses qui éclatèrent de toute part entre les administrations de bienfaisance de la ville de Liége, propriétaires d'Arènes, et les exploitans de houille, les ci-devant préfets tentèrent de concilier les différens en persuadant les exploitans de servir le cens d'Arène. L'obstination prévalut; les actions s'accumulèrent; et les exploitans, forcés dans tous leurs retranchemens, dans tous leurs moyens de défenses, s'adressèrent sans succès au Gouvernement français puis

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au Gouvernement belge pour se soustraire à l'effet des condamnations prononcées contre eux.
Autant que qui que ce soit, je partage l'intérêt dû à ceux qui se livre à l'exploitation des mines d'après des plans conçus et exécutés dans l'intérêt de la société : mais cet intérêt a nécessairement ses limites; et là, se trouve la première borne où commence la loi des contrats, où se rencontrent les droits des tiers.
Je n'avancerai rien dans cet ouvrage qui ne soit appuyé sur les lois, les usages, la jurisprudence, les édits et les records qui régissaient les travaux des mines de houille au Pays de Liége.
J'ai conservé les mots techniques dont font journellement usage les mineurs Liégeois (houilleurs) : non-seulement il m'eût été difficile pour ne pas dire impossible, de les remplacer convenablement; mais j'eusse infailliblement diminué le haut intérêt dû aux exploitations de mines de houille du pays de Liége. Mr. Cordier, (1) savant distingué de la France, me fit un jour observer que le mineur liégeois,

(1) Monsieur Cordier est aujourd'hui si je ne me trompe, inspecteur général des mines en France.

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est le seul qui ait son dictionnaire, le seul qui ait des mots propres aux travaux d'extraction. En effet il chercherait envain dans les autres langues, dans les autres idiomes, des mots semblables ou même analogues pour rendre l'objet de sa pensée, expliquer ses travaux et indiquer les ouvrages qui s'exécutent dans la mine.
Quelle similitude en effet, quelle analogie peut-il exister entre 'Arène' (1) et 'galerie d'écoulement', mot dont on se sert communément, pour rendre en français celui d'Arène? Certes aucune, absolument aucune. Il s'en faut de beaucoup, que les mots : 'arènes' et 'galeries d'écoulement' soient synonimes, ma pensée éprouve un vide immense, lorsqu'embrassant le mot arène dans toute l'étendue de l'acception, on le remplace par celui de galerie d'écoulement. Celui-ci, n'est propre qu'à la partie de l'arène, depuis son oeil jusque aux points où elle pénètre dans les couches des mines; cette partie est celle que le mineur liégeois, appelle 'Mahais' de l'arène.

(1) Ce mot Arène s'écrivait anciennement 'Arhaine' et 'Araine'.

=v=
J'ai divisé ce travail en quatre chapitres : le premier traitera des arènes; le second des arèniers et de leurs droits; le troisième des exploitans, de leurs titres et des contestations entre eux et les arèniers; le quatrième de l'ancienne cour du Charbonnage dite des 'Voir-Jurés'. Chaque chapitre sera divisé en autant de sections que le comportera la matière.



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lundi 24 décembre 2007

Chapitre Premier : Des Arènes

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CHAPITRE PREMIER

Des arènes.

PARAGRAPHE PREMIER

ORIGINE DES ARÈNES

En faisant remonter au 12° siècle, l'extraction et la consommation de la houille au pays de Liége, les historiens anciens et modernes ont prétendu rapporter la découverte de ce charbon fossile, les uns à l'indication d'un Ange, 'Angelus'; les autres aux notions d'un Anglais 'Anglus'; ceux-ci à un maréchal ferrant nommé Hullio; ceux-là à des suppositions étimologiques : mais n'en a-t-il donc pas été de la découverte de la houille comme de toutes les découvertes, où le génie de l'homme est toujours étranger et dont le hasard fait tous les frais.

Au lieu de chercher des causes surnaturelles, de faire des suppositions plus ou moins gênées, pourquoi ne pas voir la mine présenter son front à la superficie? pourquoi ne pas la voir, selon l'expression du mineur liégeois, 'Soper' au jour? en

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cet endroit, elle se présente à nu; aucune plante végétale ne la couvre : un pâtre y voit une place nette; il la choisit pour y faire un feu. La houille s'allume, et sans recourir au merveilleux le pâtre a découvert simultanément et la mine et l'usage qu'il peut en faire. Un maréchal ferrant, chaufferait, façonnerait le fer, serait occupé toute sa vie dans ses travails, qu'il ne découvrirait pas la mine de houille. Si les savoyards chaudronniers eussent au 12° siècle parcouru l'Europe, rien de plus naturel que de les voir choisir une place nette sur le front d'une couche de houille pour y établir leur feu, leur soufflet et leur atelier. Et dans ce cas ils pourraient contester non seulement au pâtre liégeois, mais à nos merveilleux historiens, l'honneur de la découverte.
Revenons à l'époque connue des extractions, c'est-à-dire au 12° siècle. Alors nulle notion sur la disposition, le nombre et la capacité des couches; ce dût être moins une extraction qu'un pillage des veines supérieures. Alors nul autre moyen d'exploitation qu'un puits qu'il fallait abandonner lorsque les travaux étaient parvenus au point où le mineur manquait d'air. On conçoit que ces travaux exécutés sans art, sans connaissances, sans prévoyance aucune, ont laissé après eux des vides souterrains que les eaux ont dû successivement remplir.
Un siècle s'était à peine écoulé, que les eaux déjà se trouvaient suspendues sur la tête des malheureux mineurs, et rendaient les mines inaccessibles de toute part. Dès le treizième siècle, le gouvernement et les

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exploitans eux-mêmes, reconnurent l'urgence et la nécessité de se débarrasser des eaux qui inondaient les travaux souterrains. Les cris de détresse des consommateurs fit de cette nécessité une loi suprême. Dans ces circonstances critiques, le gouvernement liégeois n'invoqua pas envain le patriotisme des capitalistes, ceux-ci se dévouèrent et des arènes se construisirent dans les divers districts houillers sans qu'il en coûta une obole ni au gouvernement ni aux exploitans.

§ II
CONSTRUCTION DES ARÈNES.

Une arène se construit d'autorité de justice au plus bas niveau possible de la superficie, de manière cependant qu'à son embouchure les eaux qui en découlent, puissent se jeter dans la Meuse ou dans le ruisseau le plus proche.
Commencée à son oeil (embouchure), l'arène est poussée jusqu'à la mine qui se présente la première, en observant l'inclinaison nécessaire à l'écoulement des eaux. Ce point de rencontre, s'appelle 'Steppement'.
Dans l'étendue plus ou moins grande de l'oeil au 'Steppement', il fallait non seulement traverser les propriétés particulières, creuser des puits de distance en distance pour procurer l'air aux travailleurs et en tirer les débris, percer des rocs vifs et pénétrer enfin dans les entrailles de la terre; mais il fallait encore lutter contre les caprices, les tracasseries, la

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cupidité et la jalousie des hommes. Avec les uns il fallait composer, transiger; avec les autres agir d'autorité de justice : car l'intérêt privé cède rarement à la persuasion.
L'arène étant construite depuis son oeil jusqu'au 'Steppement', l'arènier avait rempli sa tâche et se trouvait 'ipso facto' en titre de jouir des droits, prérogatives et privilèges de priorité que lui avaient promis, garantis et assurés, les lois du pays, les édits du Prince et la reconnaissance publique.
La construction des arènes a exigé des capitaux qui aux treizième, quatorzième et quinzième siècles n'étaient point à la disposition du commun des hommes. Aussi, dès 1439 le tribunal des échevins de Liége déclare que 'ceux qui avaient enlevé arène et avant bouté l'avaient fait à leur très grands coûts et dépens'.
Il résulte d'un rapport des Voir-Jurés du charbonnage en date du 13 septembre 1740, (1) que l'arène de St-Hubert à Tilleur est de 407 1/2 toises de sept pieds d'étendue donc de 2854 pieds et demi et qu'elle a 29 1/2 pieds de profondeur.
L'arène de Richonfontaine a son niveau à 68 mètres ou 232 pieds de la surface dans la bure et les ouvrages actuels de la plomterie.
L'arène Blavier qui a son oeil à la Meuse à Jemeppe et qui, à un gros quart de lieue de cet oeil, montre son niveau à la houillère du Groumet, est à 40 toises ou 280 pieds de la surface

(1) Je parlerai de cette cour au dernier chapitre.

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Ces citations suffisent pour démontrer pleinement que l'entreprise des arènes n'étaient point à la portée du plus grand nombre. Aussi vit-on figurer, parmi les arèniers primitifs, non seulement les Princes de Liége, les bourgmestres et les plus riches notables de la ville, mais encore les plus riches abbayes du pays.
Afin que les arèniers ne pussent mutuellement se porter préjudice; afin qu'ils pussent recueillir respectivement les fruits de leur dévouement; afin surtout d'empêcher les exploitans de porter préjudice à leurs droits, à leurs prérogatives, chaque arène avait son district particulier et circonscrit, soit par les 'failles' (roches qui, de la profondeur s'élançant à la superficie, coupent toutes les couches et rompent leurs marches,) soit par les serres que les arèniers mettaient en réserve sous la Sauve-Garde des Lois, pour la défense, la sûreté et la conservation des arènes. Dans ce dernier cas, usant des droits que leur offrait la législation et notamment l'art. 2 de la Paix de St. Jacques, ils s'assuraient à l'extrême limite de leur arène, ou bien, 'à la dernière pièce de leur acquet', des massifs de houille auxquelsil était sévèrement interdit de toucher.
Si chaque arène n'eût eu que son domaine exclusif, s'il eût été loisible à chacun d'ouvrir à quelque distance en aval, l'oeil d'une nouvelle arène et y abattre les eaux de la première, quel eût été le capitaliste qui se fût livré à une entreprise aussi dispendieuse pour se voir enlever la récompense de son dévouement et se voir spolier d'une manière aussi déloyale?

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§ III

POURCHASSES ET ROTICES DES ARÈNES.

L'arène poussée ou parvenue au Steppement, c'est-à-dire, jusqu'à la mine où s'établit son niveau, se poursuit dès lors en oeuvre de veine et est progressivement conduite d'un bure à l'autre, soit par des xhorres soit par les vides des extractions mêmes.
En attaquant la mine à laquelle l'arène est venue aboutir, toutes les eaux qui l'inondaient ou qui pesaient sur elle, ont dû au fur et à mesure qu'on leur donnait ouverture, se précipiter sur l'arène.
C'est ainsi que s'est établi progressivement pour tout le district houiller d'une arène, un seul et unique niveau. Ce niveau est appelé par les mineurs, 'mer d'eau'.
Cette mer d'eau se présente dans tous les bures et dans tous les ouvrages; elle s'étend au fur et à mesure que les extractions avancent. Une communication imprudente amène-t-elle un volume d'eau assez considérable pour hausser les eaux, l'arène les recevra toutes et bientôt elles seront réduite à son niveau.
D'après ce qui vient d'être dit, on pourrait croire peut-être que l'arènier n'a droit à exercer que sur son arène, et que son domaine finit là où son Steppement commence; certes,il n'en est pas ainsi : mais avant de parler de ses droits et de ses prérogatives, il est indispensable d'exposer ce qu'on entend par 'pourchasses et rotices d'arène'.

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L'article 1er de la Paix de St-Jacques, en date du 5 avril 1487, adjuge 'toute l'arène' à celui qui l'a commencée.
L'art. 2 tient pour arène 'toutes ses eaux pourchasses et rotices'.
L'art. 10 du record de la cour du charbonnage du 30 juin 1607 fait connaître ce qui forme la suite et la propriété de l'arène et en déduit ainsi les motifs : "Il est vérité que, selon les règles et observances de toute ancienneté tenue en houillerie, les vuids ouvrés et vacuités avec tous les ouvrages faits par le moyen et bénéfice d'aucune arène, sont tenus et réputés, entre vrais connoisseurs houilleurs, pour limites, pourchasses et rotices d'icelle arène, laquelle servirait ou aurait servi de la cause mouvante et efficiente les dits ouvrages et vuids; sans laquelle arène, tels vuids et vacuités n'auraient pas été faits."
Il suit delà que tous les vides et excavations, que tous les ouvrages souterreins, quelle qu'en ait été la nature et l'objet, formés, pratiqués, exécutés par ou pour l'extraction de la couche de houille où gît la mer d'eau, sont devenus, par droit d'accession, la propriété de l'arènier; que ces vides, que ces excavations forment le plateau dominant l'arène; que plus les extractions augmentent plus l'arène acquiert d'importance et procure bénéfice, et qu'enfin c'est à l'arène que se rapportent tous les ouvrages qui, sans elle, n'eussent pu être entrepris ou poursuivis. Il est utile de faire observer ici que ce n'est

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pas seulement en poursuivant les travaux qui ont commencé au Steppement que le domaine de l'arène s'accroît par droit d'accession, mais bien aussi lorsque des travaux commencés à une distance plus ou moins grande sont mis en communication avec elle par des 'xhorres' ou galeries ou même par de simples percemens. Je suppose par exemple une exploitation que l'on a entreprise à mille aunes du point le plus rapproché où puisse se rencontrer le niveau de l'arène, et qu'à cette distance l'on veuille se mettre en communication avec l'arène pour y décharger ses eaux : à cet effet, et aprés en avoir obtenu l'autorisation, on construit une 'xhorre' au moyen de laquelle on abat sur l'arène les eaux qui portaient obstacle aux travaux. Dès-lors cette xhorre et tous les ouvrages qui l'ont précédée et qui en seront la suite, s'unisse également à l'arène par droit d'accession et ne forment avec celle-ci qu'un seul et même tout.
Cette disposition, aussi sage, aussi juste qu'elle peut paraître étrange aux personnes peu versée dans la matière, est toutefois bien en harmonie avec l'article 546 du Code civil qui nous régit.
"La propriété d'une chose soit mobilière soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit et sur ce qui s'y unit soit naturellement, soit accessoirement."
Ici le droit d'accession ne dérive pas d'un cas fortuit, il est une conséquence nécessaire des avantages que la communication à l'arène va procurer aux exploitans en particulier et à la société en général.

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Pour d'autant mieux concevoir ce qu'on entend par 'Vuids ouvrés, Vacuités, Limites pourchasses et Rotices d'une arène, il faut d'abord se former une idée bien nette des mines de houille et de leurs couches.
Dans tous les plans, ces couches sont figurées par des lignes noires plus ou moins larges et proportionnelles à leur épaisseur : ces lignes peuvent faire supposer à bien des personnes que les mines de houille sont disposées en filon qui, tantôt horizontalement ('platteur') tantôt obliquement ('demi Roisses') tantôt perpendiculairement ('Roises') parcourent les entrailles de la terre.
Il n'en est nullement ainsi : les mines de houille, comme la couche végétale à la surface du terrein sous lequel elles gissent, sont les unes envers les autres dans un état de superposition relative : séparées à des profondeurs inégales par des couches de roches, elles ont comme la surface du terrein, la même longueur, la même largeur, de sorte qu'un bonnier des Pays-Bas à raison de 100 perches carrées, donne également à chaque couche de mine qu'il renferme, cent perches carrées de surface à moins que l'inclinaison de la couche ne fût toute ou presque toute perpendiculaire.
Il suffit donc de connaître la quantité de couches et leur épaisseur pour calculer ce que renferme un bonnier de cette richesse minérale. Ainsi une couche de deux aunes d'épaisseur, dans un pendage de plateur, donnera elle seule par bonnier 20000 stères

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de charbon. Ces 20000 stères de charbon, à raison du 80ième du produit brut pour droit de terrage, auraient donné au propriétaire de la superficie, 250 stères qui, à raison seulement de 9 fls. Pays-Bas le stère, auraient produit 2250 fls. Pays-Bas : cette somme de 2250 fls. à trois pour cent, taux de l'intérêt des biens fonds, donnerait pour une seule veine un revenu annuel de fls. 67-50 cents.
Toutefois plusieurs considérations portent à réduire ce calcul : d'abord une couche ne peut être totalement exploitée si ce n'est alors que l'exploitation tire à sa fin. Il est nécessaire d'y laisser des massifs et des piliers pour le soutien du toit (1) et la conservation des accès. En second lieu, là où les mines sont à pendage de Roises, là où les failles et crains interrompent leur marche, là enfin où elles commencent et se perdent, toutes ces circonstances exigeraient un nouveau calcul, qui serait très certainement inférieur en résultat. Il faut de plus observer que, sous le régime liégeois, l'indemnité n'était due, n'était exigible qu'à l'extraction, tandis qu'aujourd'hui elle se paie toujours soit qu'on exploite pas ou qu'on exploite sous le terrein du propriétaire.
Cependant si l'on applique à une concession de 4 à 5 cents hectares et plus, et qu'on étende aux

(1) Les anciens exploitans, après avoir extrait six toises de la mine, en laissait quatre toises pour soutenir l'ouvrage et empêcher les éboulements.

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vingt-trois couches découvertes(1), le calcul que j'ai ci-dessus établi, on aura peine encore à se convaincre que l'indemnité stipulée aux actes de concession au profit des propriétaires de la superficie ait été portée au taux où elle eût pu être portée sans préjudicier aux exploitations. Ce qui semble démontrer que les calculs n'ont point été établis sur des bases fixes, c'est que l'on voit des actes de concession n'imposer que cinq cents par bonnier et d'autres en imposer 10 à 25. La quantité et la richesse des mines ont pu sans doute déterminer une différence plus ou moins forte dans la fixation de l'indemnité, mais en rapprochant les diverses concessions obtenues, on se convaincra aisément que tel n'a pas été le motif et que cela a dépendu de l'offre 'plus ou moins généreuse' faite par les exploitans dans leur demande de concession (2).
De ces diverses observations resssortissent deux faits qui paraissent ne point avoir subi de degré d'examen dont ils étaient susceptibles : le premier est que dans l'étendue d'un bonnier sous lequel

(1) Mr. Jenneté a prétendu qu'à 1080 mètres au dessus du lit de la Meuse, il existe une 61ième veine : Mr. de Buffon a rejeté cette énumération comme factice et conjecturale.

(2) La loi du 21 avril 1810, porte tit. 2 art. 6 : l'acte de la concession règle les droits des propriétaires de la surface sur le produit des mines concédées. Or quel rapport y-a-t-il entre le produit des mines et quelque cens par bonnier?

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s'exploitent ou peuvent s'exploiter 20 à 23 couches (1) le produit comme le bénéfice des extractions est hors de toute proportion avec la redevance exigue établie par les actes de concession pour indemniser les propriétaires qui, d'après une législation de plusieurs siècles, jouissaient, et par titre et par droit du 80ieme, du produit brut des extractions; le second c'est que ce quatre-vingtième ne pouvait sous aucun rapport, ce semble, être considéré comme une charge onéreuse aux exploitans.
Enfin si comme on le suppose assez communément, la mine de houille n'eût été qu'un filon, il y a longtemps qu'il n'en existerait plus que dans une profondeur où les moyens de l'homme ne permettraient pas de pénétrer. Les extractions durent depuis six siècles ou plus. La plus grande profondeur qu'il ait été possible d'atteindre jusqu'ici est de 412 mètres environ; mais tant s'en faut qu'il faille atteindre cette profondeur pour rencontrer des couches à peine entamées. Les eaux en ont plus conservé que les exploitans en ont pu extraire.
Après cette digression nécessaire, je viens au mot 'Pourchasses', j'ai dit que le gissement des couches étaient horizontal à la superficie : il ne faut cependant pas en induire que ce gissement soit complètement régulier.

(1) Parmi les 23 couches découvertes, il y en est qui sont loin d'atteindre l'épaisseur de deux mètres, il en est qui dépassent cette épaisseur et enfin, il s'en trouvent dont l'extraction ne couvrirait pas la dépense.

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Les couches suivent entre elles une direction parallèle : mais dans leur marche tantôt elles s'enfoncent plus où moins perpendiculairement dans la profondeur, tantôt elles se relèvent de même pour remonter à la superficie. Alors il arrive que l'arène se trouve du moment même arrêtée dans sa pourchasse. Pour lui procurer cette pourchasse et donner à la mer d'eau tout son développement, on pratique dans les bancs de pierre des 'bacnures' ou petits aqueducs au moyen desquels le niveau ou la mer d'eau se communique d'une couche à l'autre. On obtient parfois le même résultat au moyen de la sonde. Ces bacnures et trous de sonde constituent ce que l'on appelle 'Rotices de l'arène'.
'Rotices', dit Louvrex : "sont les routes de l'arène, ce qui comprend tous les endroits où elle reçoit sa nourriture et son accroissement."
Or depuis l'oeil de l'arène jusqu'à 'la dernière pièce des acquets de l'arène, (ainsi s'exprime l'art. 2 de la Paix de St. Jacques) et 'jusqu'aux parages de l'arène voisine', les 'vuids' ouvrés, les 'vacuités', 'les pourchasses et rotices', constituent l'arène proprement dite.

§4.

DISTRICTS ET LIMITES DES ARENES.

On appelle 'Serre' cette portion de veine qui, en vertu de l'art. 2 de la paix de St. Jacques, faisait la propriété acquise des arèniers et à laquelle il était sévèrement interdit de toucher, afin que les

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eaux ne fussent abattues d'une arène à l'autre au préjudice des arèniers et sans autorité de justice. Les exploitans ou plutôt les ouvriers mineurs disent communément 'telles arènes sont séparées par de telle et telle Serre, telle fosse est établie dans les limites d'une telle telle arène'.
L'art. 2 de la paix de St. Jacques dit : "que quiconque a, ou aura ses arènes menées d'ici à la dernière pièce de ses acquets, il peut, pour la dite arène sauver, retenir tant de charbon que la dite arène soit sauvée."
Pour être suffisante, une serre devait avoir 40 ou 50 poignées d'épaisseur (13 à 17 pieds).
Ces serres sont à la mer d'eau de l'arène, ce qu'est une digue à la superficie : c'est à cette digue que l'arène se termine, c'est jusque là que s'étend son domaine; c'est encore là où toute communication ultérieure, au préjudice de l'arène, est un attentat non-seulement envers l'arènier, mais envers la société entière.
Dans le rapport de la commission au corps législatif de la France sur l'art. 29 de la loi du 21 avril 1810, le mot serre est remplacé par celui 'Desponte'.
L'arène Blavier, qui au 'moyen d'une galerie d'écoulement' (ici le mot galerie reçoit sa véritable acception) a sa décharge dans la Meuse à Jemeppe et qui a pour collatérales les deux arènes d'Ordenge et 'Falloise et Borret', la première à l'occident qui lui est supérieure, la seconde à l'orient qui lui est inférieure, n'a et n'a jamais pu avoir autre séparation que les massifs de houille réservés pour 'Serre'.

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Au nord, et dans la commune d'Ans, cette même arène Blavier, n'a jamais eu ni pu avoir autres séparations, autres limites, avec l'arène franche du Val-St.-Lambert, qui domine cet endroit, qu'une 'serre semblable' je dis 'n'a jamais eu ni pu avoir' parce que dans la partie du bassin houiller où ces arènes viennent respectivement aboutir en sens divers, il n'existe ni failles ni limites souterraines qui aient pu interrompre la marche des veines et présenter une barrière naturelle à la pourchasse de ces arènes.
Il a donc fallu nécessairement les resserrer et les circonscrire par des serres propres à garantir leur mer d'eau de toute communication. Aussi ne puis-je concevoir comment on a pu proposer il n'y a pas longtemps, dans des débats judiciaires, d'établir la chaussée d'Ans, qui n'a été tracée et commencée qu'en l'année 1716, pour ligne de séparation entre les arènes de la Cité et de Messire Louis Douffet. Indépendamment de ces arènes existaient plusieurs siècles avant cette chaussée, c'est que jamais les limites des arènes n'ont pu se reconnaître par des bornes superficielles.
Le cours et les limites des arènes se constatent; 1° par la Série des paiemens que les exploitans ont faits aux arèniers; 2° par l'exécution successive des obligations auxquelles les exploitans étaient tenus envers les arèniers; 3° par les rapports, décisions et jugemens de la Cour des Voir-Jurés qui, tout les quinze jours, devaient visiter les grandes exploitations; 4° et enfin par le niveau d'eau qui fait distinguer le district de chaque arène.

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Ce niveau se montre à toutes les houillères dans tous les ouvrages, dans tous les bures d'extraction, il s'y montre pour signaler le bénéfice de l'arène et réclamer les droits de l'arènier.
Ce que rapporte Mr. Leclercq dans son Mémoire en cause des propriétaires de l'arène Blavier, contre les maîtres des houillières de Gosson et Lagasse, page 8, est parfaitement juste : "tous les bures enfoncés depuis plus d'un siècle dans les limites et dans les terreins de la concession demandée par les maîtres des houillères du Gosson et Lagasse, nous paient le cens d'arène; elle domine donc tous ces terreins et par conséquent ceux dans lesquels la fosse du Gosson est enfoncée ainsi que toutes les fosses qu'ils voudront enfoncer encore dans l'étendue de leur concession."
Mr Leclercq n'émet point ici un principe d'opinion; sa proposition est étayée sur les Coutumes, les Edits et les Records; elle a pour base une cause physique. Il serait en effet impossible que tout au milieu d'une mer d'eau, vînt se placer une nouvelle exploitation qui pût avoir un autre niveau que cette mer d'eau. En supposant que le siège de cette nouvelle exploitation se trouvât en 'serre' et en 'terrein vierge', encore faudrait-il qu'en poussant les galeries, elle rencontrât définitivement le niveau de l'arène dominante, et certe, cette supposition d'un terrein vierge est aujourd'hui bien gratuite.
Lorsqu'en l'année 1728, il s'est agi d'abattre une

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partie des eaux de l'arène Blavier, sur l'arène voisine et inférieure de Falloise et Borret, afin "de démerger et 'conquérir' en vertu de l'Édit de 1582, les mines des treize exploitations voisines et différentes"; deux mineurs experts, dont le rapport a été enregistré au greffe des échevins de Liége, le 3 Septembre de la même année, constatèrent que les 13 bures de ces exploitations, dont deux étaient à une demi lieue du canal de l'arène Blavier, avaient le même niveau que cette arène et qu'en conséquence leur mer d'eau était supérieure de 8 toises, (56 pieds) à la mer d'eau de l'arène Falloise et Borret.
On voit donc que le niveau ou mer d'eau était alors un moyen physique de constater le cours et le district d'une arène. Je dis alors, il le serait encore aujourd'hui si les anciens bures n'étaient comblés.
L'arènier ne peut donc acquérir la connaissance de l'étendue de la mer d'eau de son arène que par les propres faits des exploitans. Tout ce que peuvent aujourd'hui les arèniers pour justifier leurs droits, et c'est aussi, ce semble tout ce qu'ils doivent, c'est de s'étayer sur les Coutumes et usages consacrés par l'ancienne législation; c'est de prouver par leurs registres que dans tel district houiller ils ont reçu le cens d'arène; que telle exploitation nouvelle est dans l'enceinte ou à proximité de celles qui ont payé le cens, et qu'enfin, si, par suite d'un abattement légal ou clandestin de leur arène, les eaux ont cessé de jaillir à son oeil, il ne s'ensuit nullement que le bénéfice de l'arène ait cessé, ni que le cens ne soit dû.

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§ V

AVANTAGES ET BÉNÉFICE DES ARÈNES.

On sait que la terre ne renferme pas d'eau dans ses entrailles; que l'eau qu'on y trouve à plus ou moins de profondeur, provient des pluies et de la fonte des neiges; les fentes, les crevasses tout concourt à rendre faciles leur chûte et leur infiltration.
Voici comme s'exprime à cet égard Mr. Génnetté, premier minéralogiste de l'empereur d'Autriche, dans son traité sur l'origine des fontaines, page 98, 112 et 116,
"Les pluies, et les neiges fondues pénètrent dans le sein des montagnes par les fentes et jointures des bancs de rocs. Elles remplissent d'abord tous les intervalles et par leur pression tant de haut qu'en bas que latéralement, elles se répandent de tous côtés en s'y portant avec toute la force que leur donne le poids par la hauteur des colonnes de ces eaux qui se chargent réciproquement; tellement que plus les eaux pénètrent vers le bas, plus les colonnes s'allongent et plus aussi leur pesanteur augmente."
Dans son traité sur la même origine des fontaines, Mr. Mariotte, savant physicien français, dit positivement la même chose, page 26.
Louvrex, tome 2, page 241, dit aussi qu''une arène porte le poids e't le faoz (fardeau des eaux) d'une telle houillère.
Dans le terrein houiller du pays de Liége, les eaux

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ne se sont point accrues souterrainement par les seules causes naturelles. Ce terrein criblé de toute part par les bures qu'ont creusés les premiers exploitans et leurs successeurs, renferme des mares si considérables que tout accès aux mines serait depuis longtemps impossible sans les moyens d'épuisement que présentent les arènes dans tous les districts houillers.
On voudrait en vain dissimuler qu'en dégageant de haut en bas et latéralement, toutes les colonnes d'eau supérieures à leur niveau, les arènes n'eussent pas rendu accessibles et exploitables, tant les veines supérieures, que les veines inférieures à ce niveau.
Nul doute qu'avant la construction des arènes, des exploitans n'eussent déjà atteint des veines inférieures à leur niveau, alors surtout que leurs ouvrages se portaient sur des mines 'roisses' (perpendiculaires): déjà donc, alors, il existait des vides occupés par des eaux auxquels l'arène ne pouvait offrir de décharge. Il fallu donc trouver des moyens de les épuiser; et comme il n'existait pas de pompes à vapeur, ces moyens se réduisirent à élever les eaux dans des tines ou tonneaux et à les verser sur le niveau de l'arène. L'ont conçoit que ce mode d'épuisement devenait insuffisant, alors surtout qu'un percement inconsidéré mettait les travaux en communication avec une colonne d'eau provenant d'anciens ouvrages dont on ne soupçonnait pas l'existence. Pour lors, le mal était sans remède; on était forcé d'abandonner l'exploitation pour en recommencer une nouvelle.

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Ce sont des ouvrages, entrepris, abandonnés, repris, pour être abandonnés encore, qui ont causé tous les malheurs qui sont arrivés aux exploitations du pays de Liège. Ces ouvrages ont laissé dans la profondeur des vides qui renferment aujourd'hui des amas d'eau immenses. Le domaine de ces eaux s'est accru au fur et à mesure que se sont multipliés les communications avec les ouvrages innondés.
Les premières pompes à vapeur ne parurent que vers 1727. Elles remplacèrent les moyens d'épuisement qui s'exécutaient à bras d'hommes ou à l'aide de chevaux.
Loin de cesser d'être utiles, les arênes devinrent plus nécessaires encore, car elles reçurent les eaux des nouvelles pompes qui, alors comme aujourd'hui, furent dispensées de les élever à la superficie.
Ainsi, sans cesser de tenir à sec toutes les parties supérieures à leur niveau, les arènes donnent aux exploitans le triple avantage; 1° de soulager et d'accélérer le jeu des pompes; 2° de dispenser de construire des canaux et des aqueducs de décharge; 3° Et enfin de ne point employer une forte partie de leurs capitaux à construire une arène : car en définif, s'ils n'avaient pas d'arène dominante dans leur ouvrages, ou une arène à proximité pour se mettre en communication avec sa mer d'eau, il faudrait nécessairement en construire, quels que fussent les avantages qu'offriraient les localités pour le versage et l'écoulement des eaux. Supposons que les pompes à vapeur eussent été connues au temps de la construction des arènes;

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et examinons si alors, il y eût eu des motifs assez puissants pour renoncer à cette construction. En nous reportant à cette époque, il est essentiel de se rappeler que les exploitations abandonnées, et elles l'étaient toutes ou presque toutes, formaient autant de réservoirs ou de mares d'eau. L'effet des pompes n'eût donc alors pas été que local et très-circonscrit. À défaut de canaux de décharge, les eaux qu'elles eussent élevées à la superficie fussent rentrées à plus ou moins de distance dans le sein de la terre : les pompes à vapeur ne pouvaient donc produire leur plein effet qu'après la construction des arènes.
Supposons encore qu'il n'ait été jusqu'à nos jours construit aucune arène et conséquemment que tous les vides, les cavités pratiqués sous terre pour l'extraction des mines fussent occupés par les eaux; je le demande, que feraient aujourd'hui les exploitans sans arène, sans galerie souterraines? n'auraient-ils pas à luter à la fois contre trois obstacles invincibles? Cependant les arènes paralysent deux de ces obstacles, et prêtent leur assistance pour vaincre le troisième.
Ces obstacles sont : 1° les eaux que l'arène a déchargées et qui occuperaient aujourd'hui tous les vieux ouvrages; 2° les eaux qui tombent journellement de la superficie que l'arène reçoit et décharge aussitôt, et qui, à défaut d'arène, alimenteraient sans cesse les réservoirs et les mares où les pompes agissent et où elles agiraient sans succès quelle que fût leur puissance; 3° et enfin les eaux inférieures au niveau de l'arène,

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lesquelles sont aujourd'hui, les seules eaux qui exigent des moyens d'épuisement; moyens que les arènes favorisent d'autant plus qu'elles présentent leur niveau à 232 à 280 pieds de la superficie, non sur une ligne plus ou moins prolongée, mais dans l'étendue entière d'un district de plusieurs lieues carrées.
Je vais faire ressortir encore davantage l'évidence des faits.
Le Record de la Cour des Voir-Jurés de 1607, déclare formellement que "les arènes sont la cause mouvante et efficiente des ouvrages de mine, et des vuids, et des vacuités produits par ces ouvrages, et que sans ces arènes, ces vuids et vacuités n'auraient pas été faits."
Cette déclaration faite par une cour qui alors jouissait de la plus haute considération, n'a pas cessé ni pu cessé d'être vraie; et quels que soient les moyens d'épuisement que présentent les pompes à vapeur, ces moyens seraient incomplets, ils seraient insuffisants s'ils n'avaient les arènes pour principaux auxiliaires : le service de celles-ci est constant, sans interruption, il est perpétuel.
Pour déterminer la conviction des personnes, qui pourraient douter encore que les pompes à vapeur ne pourraient, sans les arènes, suffire à l'épuisement des eaux, voici ce que dit M. Jaers dans son voyage métallurgique.
"J'ai vu des mines de l'Angleterre, de l'Écosse, de la Suède, de la Norwege, de l'Allemagne et du pays de Liége.

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La pompe à feu de Walker près de Neuwcastel est la plus considérable du nord de l'Angleterre et peut-être la plus grande d'Europe. Cette machine sert à élever les eaux d'une mine qui a 100 toises de profondeur perpendiculaire (600 pieds), mais 'elle ne les élève que de 89 toises', attendu qu'à onze toises de profondeur on a pratiqué (donc elle n'était pas pratiquée), une galerie d'écoulement de quatre pieds de hauteur sur 250 toises de longueur ayant son embouchure dans la riviére."
L'on voit donc qu'en Angleterre où les pompes à vapeur prirent naissance, et où l'industrie pour l'exploitation des mines est parvenue à un degré qu'aucune autre nation n'a pu atteindre, on a été loin de penser que les galeries d'écoulement fussent inutiles; et cependant quelle différence entre une galerie faite toute exprès pour l'exploitation d'une mine qui se plonge perpendiculairement dans les entrailles de la terre avec les arènes du pays de Liége. Là avant de recueillir aucuns fruits de leurs travaux, les exploitans construisent à grands frais une galerie d'écoulement qui encore ne procure que onze toises de soulagement 'à la plus grande pompe de l'Europe'; tandis qu'ici, sans être tenu à la moindre avance, les exploitans jouissent d'un bénéfice de 30 à 50 toises et étendent ce bénéfice, non à une mine, mais à 20 ou 23 couches quelles que soit leur inclinaison.
J'ai vu, ajoute Mr. Genneté, les souterrains des mines de charbon de terre de Charleroy, de Namur,

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d'Aix-la-Chapelle et surtout du pays de Liége" J'ai vu des 'fosses' absolument noyées par une infiltration si abondante que cinq grosses machines à feu ne diminuaient presqu'en rien cette abondance d'eau. Alors, continue-il, si la mine noyée est d'un bon rapport, on fait les frais d'une conduite sous terre qui prend les eaux de la fosse et les porte au travers de la montagne dans une vallée qui se trouve quelquefois à une demi lieue, à une lieue et même souvent à plusieurs lieues de distance de la montagne qu'on exploite."
Ici Mr Genneté a commis un anacronisme ou plutôt les exploitans, auxquels il s'est adressé, le lui ont fait commettre dans l'intérêt de leur amour-propre : les arènes existaient avant l'établissement des pompes à vapeur, notamment celles qui dominaient les lieux dont il parle.
Dans le dictionnaire des sciences naturelles, coup d'oeil sur les mines, tom. 31, Page 48, il est dit : "on parvient à se débarrasser des eaux par une tranchée ou par une galerie d'écoulement. C'est toujours le moyen d'assechement le plus sûr, et 'malgré les grandes avances qu'il exige', c'est souvent le plus économique. Les grands avantages que présentent ces galeries sont qu'on ne craint jamais de les établir dans les exploitations qui promettent une longue durée. Il y en a qui ont plusieurs lieues de longueur. Quelquefois on parvient à les disposer de manière à épuiser plusieurs mines."

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"On a remarqué que les sources abondantes se trouvent plutôt vers la surface du sol que dans les grandes profondeurs."
Page 87, "la grande galerie d'écoulement des mines de Clausthal au Hartz à 10438 mètres de longueur et passe à 288 mètres au-dessous de l'église de Clausthal. Son percement a duré depuis 1777 jusqu'à 1800, et a coûté 1,648,568 francs."
L'instruction du ministère de l'intérieur du gouvernement français en date du 3 août 1810, pour l'exécution des art. 35 inclu 39 de la loi du 21 avril même année sur les mines, porte "la redevance proportionnelle imposée sur les produits, a pour objet, en ajoutant la somme de son produit à celle de la redevance fixe, de faire face aux dépenses de l'administration des mines, à celle des recherches, ouvertures et mises en activité de mines nouvelles ou au rétablissement des mines anciennes : ce produit pourra encore être très utilement appliqué pour encouragement à raison de l'exécution des machines 'puissantes' ou de grands tuyaux économiques et 'surtout à l'établissement de moyens d'exploitation utiles à plusieurs mines d'un même canton' par exemple : 'au percement de galeries profondes d'écoulement qui prépareraient un nouveau champ d'extraction à plusieurs concessions des mines."
On voit ici que le ministre considère les galeries d'écoulement comme devant prévaloir 'aux machines puissantes'; comme 'nécessaire' pour préparer

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un nouveau champ d'extraction, et cependant qui le croirait? les exploitans du pays de Liége qui jouissent d'avance du bénéfice de ces galeries en contestent, en dénient même le bénéfice.
Pour combler la mesure des faits et des preuves, je citerai encore le passage d'un rapport fait au Préfet du Département de l'Ourte le 12 octobre 1808, par l'ingénieur en chef des mines.
"Rien ne s'oppose à ce que le Sr. Demet, maître 'de la Haye', dirige les eaux de ses travaux sur le canal de l'arène de Gersonfontaine dont le niveau, plus profond de 15 mètres que celui de l'arène de St Hubert, (1) correspond à la veine 'Beaume' où se trouve la tête des eaux et le premier cuvellement de son bure et qu'il profite 'des anciens ouvrages pour établir cette communication et en diminuer les frais'."
"Par cette opération le Sr. Demet réduira de beaucoup le volume d'eau qu'il est obligé d'élever avec la machine à vapeur jusqu'à 39 mètres de la superficie où se trouve actuellement son canal d'écoulement;

(1) L'exploitation de la Haye était établie, comme on le voit, sur l'arène de Gersonfontaine qui était séparée de l'arène de St Hubert, par une faille. Suivant les lois et édits, il n'était pas permis à l'exploitation de La Haye de percer la faille pour communiquer avec l'arène de St Hubert. Mais par une concession accordée au Sr. Demet, l'exploitation de la Haye se trouve placée à cheval sur la faille ce qui est sans contredit contre les règles de l'art.

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"mais il diminuera encore la charge de cette machine en acquérant la faculté de les déverser à 40 mètres plus bas, c'est-à-dire au niveau de l'arène de Gersonfontaine."
Il ajoute encore "pour assurer la solidité de l'ouvrage Champay, (1) le Sr. Demet rectifiera le canal d'écoulement ouvert par le Sieur Massillon de manière à ce qu'il communique avec l'arène de St Hubert."
Il est donc bien constant que les pompes sont loin d'avoir paralysé le bénéfice des arènes; il est donc bien constant que ces arènes continuent et continueront, comme par le passé, à être nécessaires très-nécessaires à toutes les exploitations sans en excepter une seule; et qu'enfin cet axiome, si connu des mineurs, cet axiome sanctionné par un si grand nombre de jugemens et arrêts : 'nulle exploitation sans arène' ne cessera de recevoir au pays de Liége son application aussi longtems qu'il y existera des exploitations de mines de houille : la vérité de cet axiome a été reconnue et publiquement avouée par l'ancien

(1) L'exploitation de Champay est établie à l'autre côté de la faille dans une partie de laquelle son bure est creusé. Bien qu'elle ait été comprise dans la concession de la Haye, elle était et elle est tellement indépendante de cette dernière, que les ouvrages de l'une ne peuvent être utiles à l'autre. Aussi ces deux exploitations continuent à former deux établissements distincts. L'effet de la concession a été de rendre l'une tributaire de l'autre.

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procureur-général et avocat Raick, lequel fut propriétaire de plusieurs exploitations notamment de la houillère 'Bonnefin'. Dans la cause des arèniers des Blavier contre les maîtres de la houllière du 'Saoux' à Berleur, Raick dit que "si l'arène Blavier n'eût pas dominé les ouvrages qui lui sont respectifs, il est certain qu'ils seraient noyés et submergés en suite de cette 'règle vulgaire' que sans le bénéfice d'une arène, il serait impossible de travailler les 'veines dessous eau' soit par machine à feu, soit par l'effet de la tine ou tonneau".

Paragraphe VI.

DÉSIGNATION DES ARÈNES ET DES ARÈNES FRANCHES.

Je ne parlerai ici que des arènes principales, de celles qui ont leurs cours et leur district dans la partie du pays de Liége, où s'exploitent les mines de houille les plus importantes. Cette partie commence à Jemeppe et se termine à Oupeye; le premier village est à 5 kilomètres au-dessus de la ville de Liège, et le second à 8 kilomètres au-dessous.
Les villages compris dans cette partie, rive gauche de la Meuse, sont : Montegnée, Grâce, Berleur, Nicolas, Ans, Glain, St-Gilles, la ville de Liége et ses faubourgs de Ste-Marguerite, de St-Laurent, d'Avroy,

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de Hocheporte, de Xhovémont, de Ste-Walburge et Vivegnis puis les Tawes, Thier-à-Liége, Bernalmont, Morenvaux, Herstal et Oupeye : entre cette dernière commune et celles de Haccourt et Hermal, la mine se perd.
L'amont pendage, c'est-à-dire, l'élévation de la mine est à l'ouest, du côté de la Hesbaye; elle se perd également dans les parties supérieures des communes de Hollogne-aux-pierres, d'Ans et de Vottem.
Le canton le plus abondant et que l'on peut considérer comme le centre du bassin, est bien celui de Saint-Gilles. Là, la première veine est à 21 pieds de profondeur.
En suivant cette Zone houillière d'amont en aval, on trouve : 1°. l'arène Dordenge, 2°. l'arène Blavier, 3°. l'arène Falloise et Borret, 4°. l'arène de St-Hubert, 5°. l'ancienne arène d'Avroy, 6°. l'arène Gersonfontaine, 7°. l'arène du Val St-Lambert, 8°. l'arène de la Cité, divisée en deux branches, l'une dite 'Chevron', l'autre dite 'Delle-Haxhe', 9°. l'arène messire Louis Douffet, 10°. l'arène de Richonfontaine, 11°. l'arène Brosdeux, 12°. l'arène Brandesire, 13°. l'arène de l'Aventure, 14°. l'arène du Marteau, 15°. l'arène dite Xhorré-Godin. L'ordre dans lequel je viens de désigner ces quinze arènes, indique aussi entre elles le degré de leur niveau; c'est-à-dire, que la première est supérieure à la seconde, la seconde à la troisième et ainsi de suite. Il existait anciennement d'autres arènes intermédiaires, savoir : une à Sclessin, une dite Constant Lambermont, qui avait son oeil,

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dans le bien des Guillemins sur Avroi; les monastères du Val-Benoît, de Robermont, de Vivegnis avaient aussi leur arène.
Parmi les arènes dont la nomenclature précède, il en est quatre que l'on désigne sous le nom d'arène 'franches', parce que, fournissant les eaux aux fontaines de la ville de Liége, elles étaient placées plus spécialement sous la Sauve-Garde des Lois. La ville de Liége avait un syndic chargé de poursuivre devant les Tribunaux, les atteintes que la malveillance ou la cupidité y auraient portées.
Les quatre arènes franches, sont celles du Val St-Lambert, de la Cité, de messire Louis Douffet et de Richonfontaine. Les droits de leurs propriétaires sont les mêmes que ceux des autres arènes que l'on a distinguées par la dénomination singulière d'arènes 'Bâtardes'.
La plus inférieure des arènes franches, celle de Richonfontaine, a son bassin de décharge dans la rue de la Mère-Dieu, près de l'église St-Antoine. Ses eaux sont conduites sur les fontaines publiques et privées des rues Hors-Château, Feronstrée, la Batte et St-Léonard. Elle est séparée de l'arène Brosdeux et de l'arène messire Douffet, par deux failles qui lui servent de limites naturelles. Le district de cette arène est fort étendu par la raison, disent les Voir-Jurés, "qu'elle a existé avant nulle autre." (1)

(1) L'arène Blavier qui existait avant 1471, a aussi un district plus étendu.

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L'arène de Richonfontaine domine le faubourg de Ste-Walburge, Pierreuse, la Citadelle, Hors-Château, le faubourg Vivegnis, les Tawes, le tout en de-çà de la faille qui la sépare de l'arène Brosdeux, les terreins du ci-devant collège des Jésuites Anglais, et va finir vers l'occident à l'endroit dit : 'Molenvaux', commune d'Ans, où se trouve à proximité des arènes du Val-St-Lambert et de la Cité.
L'arène franche de messire Douffet, dont l'embouchure et la décharge sont dans le bassin qui existe dans la Ruelle 'Chabot', contigue à la Table de Pierre, a un district très-borné comparativement à celui des autres. Elle est resserrée entre les arènes de la Cité et de Richonfontaine.
D'après le plan qui fut levé judiciairement et qui fut produit, en l'an 1734, contre les maîtres de la Conquête et aussi d'après les registres des propriétaires de cette arène, on la vit dominer depuis la faille de Faucompierre au fond Pirette, cotoyant l'arène de Richonfontaine dans les jardins du ci-devant collège des Jésuites Anglais, dans Pierreuse, la Volière, les jardins des Frères Célites et des Capucins, terreins qui, avant l'érection de ces établissements, se nommaient 'Fawèchamps', puis en l'endroit dit 'Roya', dans les jardins du couvent de Ste-Claire, dans la rue Agimont, Hocheporte, le Bas-Rieux, les endroits dits 'Mabiet', 'Longthier', et finalement les fonds d'Ans et Mollin.
Pour que cette arène ait étendu de la sorte son district en de-çà des remparts et dans l'intérieur de

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la Ville, nul doute que l'on ait exploité dans ces endroits : c'est aussi ce que confirme les registres de la Cour des Voir-Jurés. On y voit qu'il a existé plusieurs bures, tant dans ces jardins que dans les endroits dits 'Roya', 'Fawéchamps', etc. mais aussi il a fallu que l'on ait reconnu les suites désastreuses de ces travaux, pour que, le gouvernement liégeois se soit déterminé à interdire toute extraction 'intra muros' et pour avoir rigoureusement maintenu cette interdiction.
Enfin, l'arène franche messire Douffet, avoisinant au faubourg Ste-Marguerite l'arène de la Cité, bénéficiait en 1525 la houillère 'Delle Geneisse' et celle 'du Forre' à proximité de laquelle est aujourd'hui établie, celle de MM. Orban et associés.
L'arène de la Cité a son bassin de décharge dans la rue de St-Severin, et fournit les eaux aux fontaines du Palais, du Marché et des rues adjacentes.
Ce paragraphe concernant les arènes serait incomplet si je ne parlois des 'Bolleux'.
'Bolleux', ainsi s'appelaient les trous de sonde pratiqués dans le roc pour procurer une décharge aux eaux des arènes. Ces bolleux par où jaillissaient les eaux, faisaient connaître l'état de situation des arènes. Les Voir-Jurés les visitaient fréquemment pour s'assurer que les eaux n'éprouvaient aucune diminution. S'ils y eussent remarqué une diminution notable, ils en tiraient l'induction que les atteintes étaient portées aux Serres séparatoires, et à l'instant ils

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s'empressaient de constater le délit qui, pour les arènes franches, emportait la peine capitale.
L'arène franche de Richonfontaine avait ses Bolleux ou jets d'eau, au bure des Sept Journaux, qui est au delà de la Citadelle, à côté de la ruelle 'Delle Chaîne' (1).
L'arène franche de messire Douffet, avait ses Bolleux au bure du 'Crampon', au dessus du faubourg Ste-Marguerite.
L'arène franche de la Cité avait deux branches, l'une dite de 'Lardier' ou 'Chevron', l'autre dite 'Delle Haxhe' ou 'Douflot' : Elle avait ses Bolleux pour la première branche, dans la Bure dit Chevron, qui est dans le parc ou pré de St-Laurent, et pour la seconde au bure du Chaudron, au faubourg Ste-Marguerite. (2)
Enfin, avant son abattement sur l'arène de la Cité, l'arène du Val-St-Lambert, avait ainsi que je l'ai dit précédemment, son embouchure dans le fond d'Ans et Mollin, un peu plus haut que l'endroit dit Mabiet. C'était à cette embouchure que se faisait la reconnaissance de ses eaux.

(1) Suivant le mineur liégeois, le mot 'bure' est du genre masculin.
(2) Il y a longtemps que la branche de l'arène de la Cité, dite 'Chevron', a été abattue sur l'arène de Gersonfontaine, ainsi que l'avait prédit Louvrex.

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§ VII

DES ABATTEMENS.

Les art. 7 et du 8 record de l'an 1607 statuent "qu'il n'est pas permis, mais expressément 'défendu', de desserrer, xhorrer ni percer aucun bure aucun ouvrage à un autre, pour s'accommoder d'une xhorre ou arène plus basse, ni pareillement percer ou xhorrer d'une arène à l'autre, quelles qu'elles soient, sans obtenir licence des seigneurages arèniers ou enseignement de justice".
Cette citation me reporte nécessairement à l'édit du prince de Liége, Ernest de Bavière, de l'an 1582. A cette époque, les veines supérieures à la mer d'eau n'étaient point encore toutes en communication avec les arènes, je veux dire que les arènes n'étaient encore point encore toutes parvenues à l'extrême limite de leur district, 'à la dernière pièce de leurs acquets'; de sorte que les eaux n'ayant point encore obtenu l'écoulement général qu'elles ont eu depuis, l'on dut recourir au seul expédient qui se présentait.
En conséquence l'édit du 20 janvier 1582 "'autorisa quelconque de quel estat ou qualité qu'il soit' moyennant enseignement des Voir-Jurés du charbonnage et de justice et 'satisfaisant les droitures de terrages, cens d'arènes' et autres, de faire xhorres, tranches et abattement des eaux".
Bien que cet édit concerne particulièrement les travaux des exploitans qui avaient pour objet de se mettre en communication avec les arènes;

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cependant on en étendit dans la suite les dispositions aux arènes mêmes, c'est ce qui résulte du Record des Voir-Jurés de l'an 1607 auquel je reviens.
On a cru remarquer, dans les art. 7 et 8 de ce Record ci-dessus transcrits, une espèce de contradiction : d'une part, il est interdit aux exploitans de percer ou communiquer d'une arène à l'autre, sans obtenir licence des seigneurages arèniers ou enseignement de justice, sous peine d'avoir forfait et de payer deux cens d'arène; (1) d'autre part, et nonobstant le bénéfice d'une arène inférieure obtenu légalement, l'on doit aussi deux cens d'arène; ce qui fait penser que ce double cens étant dû, soit que la justice intervînt soit qu'elle n'intervînt pas, l'exploitant pouvait se dispenser, ou du consentement de l'arènier, ou de l'enseignement de justice.
Je pense au contraire que les articles dont il s'agit se prêtent un mutuel secours. Dans le cas d'un abattement d'une arène supérieure à une inférieure, l'intérêt public peut se trouver et doit même se trouver placé entre l'intérêt des exploitans et l'intérêt des arèniers : je vais présenter deux exemples.
Un exploitant demande à son arènier la licence d'abattre son arène sur l'arène inférieure : l'exploitant lui expose envain les avantages que ses travaux retireront de cet abattement;

(1) Le cent d'arène dont il sera parlé au chapitre 2 §2 est une redevance sur le produit des extractions de mines établie au profit des arèniers.

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et nonobstant l'offre qu'il lui est fait de continuer le cens d'arène, l'arènier refuse son consentement et motive son refus sur ce qu'il craint de cette opération ne porte préjudice ou à son arène ou à ses droits.
Autre exemple : l'arènier, ne consultant que son intérêt, accorde à l'exploitant, qui lui en fait la demande, la permission de percer à l'arène inférieure. Se bornant à cette seule démarche, l'exploitant opère l'abattement à l'insçu des Voir-Jurés, à l'insçu du propriétaire de l'arène inférieure et à l'insçu des exploitans, dont ce percement peut momentanément inonder les travaux et compromettre la vie des ouvriers.
Dans le premier cas, l'enseignement de justice était nécessaire pour vaincre, si elle n'est pas fondée, la résistance de l'arènier; dans le second cas, il est encore nécessaire dans l'intérêt de tous.
Loin donc d'apercevoir ici la plus légère contradiction, je ne vois qu'une disposition sagement conçue, sagement combinée; une disposition qui assure aux arèniers le maintien de leurs droits perpétuels, héréditaires et irrévocables; aux exploitans la sûreté et le succès de leurs travaux; aux tiers intéressés, la garantie de leurs droits et de leurs prétentions légales et enfin à la chose publique, l'action du pouvoir qui veille à ses intérêts et 'punit les méfaits'.
Il s'ensuit encore, que nonobstant le gré obtenu des arèniers, la cour des Voir-Jurés pouvait intervenir d'office

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et prescrire, défendre ou permettre tel abattement qu'elle eût jugé utile ou nuisible à l'intérêt public, mais toutefois comme le porte l'édit de 1582, 'sauf en cas d'abattement les droits de cens d'arène, etc'.
En l'année 1693 [errata:1697], l'arène franche du Val-St-Lambert qui, ainsi que je l'ai dit, avait son oeil à Ans et Mollin un peu plus haut que l'endroit dit 'Mabiet', fut abattue sur celle de la Cité par le Conseiller Roland, premier entrepreneur des ouvrages dits de la conquête et Maître de la houillère dite du 'forre' au faubourg Ste-Marguerite. Ce fut au bure de la Jeunesse à Ans, que se fit cet abattement du consentement des autorités et de toutes les parties intéressées. Le Conseiller Roland dut au préalable contracter tant avec les meuniers des 'Bas Rieux', qu'avec le Magistrat de Liége et le Chapitre cathédral. Il dut souscrire l'obligation de remplacer les eaux de l'arène du Val-St-Lambert qui ne donnait alors que trois pouces d'eau, tandis qu'il en était jailli jusqu'à soixante.
Il fit en conséquence construire à grands frais un canal pour amener des eaux nouvelles, tant sur les huit moulins 'des Bas Rieux', que sur les bassins des fontaines de la ville. Ce sont encore ces eaux qui alimentent aujourd'hui les fontaines du Mont St-Martin, de la place St-Pierre, de la Haute Sauvenière et du quartier de l'Ile. Delà la dénomination vulgaire des fontaines 'Roland'.
Si dans cette circonstances, l'autorité ne se fût interposée entre les arèniers,

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les exploitans, les Meuniers, la Ville de Liége et le Chapitre cathédral, si le consentement de l'arènier eût seul suffi, que fussent devenus tous les intérêts qui se pressaient pour s'opposer à l'abattement?
Les motifs qui déterminèrent l'abattement de l'arène du Val-St-Lambert sur l'arène de la Cité, furent de rendre plus facile et moins coûteuse l'exploitation des mines. La mer d'eau de l'arène de la Cité, était d'environ vingt mètres inférieure à celle du Val-St-Lambert.
Dans la suite, la propriété des ouvrages du Conseiller Roland passa, d'un côté dans les mains de la famille Hardy et des maîtres de Beaujonc, et d'un autre dans celle des échevins Piette, Fassin et autres.
Il est un grand nombre d'exemples d'abattemens d'une areine supérieure à une inférieure : soit que ces abattemens se fissent du gré des arèniers et d'autorité de justice; soit qu'ils se fissent clandestinement, les arèniers conservaient respectivement la redevance qui leur était due ainsi que tous leurs droits. Une arène abattue ne porte pas moins dans tout son cours et district, le poids et la charge des eaux jusqu'au point où on lui a procuré une nouvelle décharge sur l'arène inférieure; elle ne continue pas moins son bénéfice; l'effet de l'abattement a été, quant aux mines, de réduire le niveau d'eau, et quant à l'arène de donner au cours de ses eaux, une décharge inférieure à son embouchure ou oeil primitif. Ainsi l'abattement considéré, sous ce double rapport,

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n'a point rendu et n'a pu rendre inutile le bénéfice de l'arène abattue; elle continue et continuera toujours à dominer dans tout son district.
Une observation qui ne peut échapper, c'est qu'une exploitation qui s'étend dans le district de deux arènes, exécute ses travaux avec bien plus de facilités et à moindre frais que ne peut le faire celle qui doit ramener au même centre toutes ses communications, tous ses épuisemens.

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samedi 22 décembre 2007

Chapitre II : Des Arèniers

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CHAPITRE II

Des Arèniers

PARAGRAPHE PREMIER

DE LEURS TITRES DROITS ET PRÉROGATIVES

Les titres, droits et prérogatives des arèniers (1) se trouvent dans les 'paix', les édits, les coutumes du pays de Liége et dans les 'Recors' de la cour du charbonnage dite des 'Voir-Jurés'. Le grand nombre de contrats, qui ont été passés entre les arèniers et les exploitans depuis quatre à cinq siècles et plus, prouvent quelle était l'étendue, quels étaient les effets de ces titres, droits et prérogatives.
La paix de St-Jacques de l'an 1487, était la loi fondamentale de la matière que je traiterai dans ce chapitre; qu'il me soit permis de dire au préalable un mot sur la signification du mot 'Paix'.
Le pays de Liége, gouverné d'après les privilèges, franchises et libertés octroyées par les empereurs

(1) On disait anciennement 'hernier', 'arhnier'.

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rois des Romains, par les papes et par les évêques Princes de Liége, n'avait pas de 'Code de lois'. Les usages, les coutumes lui en tenaient lieu.
Mais ces usages, ces coutumes n'avaient pu disposer pour les cas à venir : delà 'une infinité d'interprétations, de mésentendement et occupation de prolixité d'écritures qui suscitoient de grands différens et altercations'.
"Désirant mettre au bas tous les différens et toutes choses y être mises au clair et bon entendement, et pour ôter tout abus, mesus, choses obscures et de double entendement..., il intervenait entre le Prince, les autorités et les députés du peuple, des statuts, des ordonnances, des règlemens portant interprétation, restriction ou addition aux usages et coutumes. Ce sont ces statuts, ces usages, ces ordonnances, ces règlemens, toujours confirmés et approuvés par le Prince, que l'on appelait 'paix', parce qu'en effet ils mettaient fin aux différens, aux prétentions et aux discussions qui en avaient été l'objet, soit entre les corps de l'état, soit entre ceux-ci et les particuliers.
La paix de St-Jacques fut ainsi dénommée, parce qu'elle fut signée dans l'Abbaye de ce nom, où les délégués "s'étaient mis et remis ensemble sans illecque, départir ni yssir, (sortir) jusqu'à ce que sur tout le contenu, desseur dit, ils besoignez, déclarez, adouvert, modéré et conclud tout ce que bon raisonnable et expédient leur a semblé se devoir faire en tout et par tout, de tout leur pouvoir, sens avis et entendement."

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Dans cette circonstance solennelle, où il s'agissait de fixer les droits des parties, c'est-à-dire, des arèniers et des exploitans, des 'arèniers-exploitans' et des 'exploitans-arèniers', on ne peut voir sans admiration quinze délégués choisis parmi les notables les plus marquans et les plus éclairés du pays, se renfermer dans un cloître pour examiner les coutumes et usages de houillère ainsi que les statuts, lois, ordonnances rendus sur la matière, afin d'en faire un rapport concis et se rendre ainsi, pendant la durée entière de 'leurs grands labeurs et diligences', inaccessibles aux parties intéressées et même aux hommes.
La paix de St-Jacques prouve, qu'antérieurement à sa promulgation, il existait des lois, des usages, des coutumes en matière de houillère : mais comme le dit l'exposé des motifs de cette paix, "chaque partie prenoit ce qui servoit à sa cause et lui étoit profitable et delaissoit ou postposoit ce qui par restriction ou modération lui étoit contraire; ce qui donnoit grande occupation, vexation et travail aux juges tenant siège de justice en la Cité de Liége."
C'est donc cette Paix, méditée et conçue dans le profond silence des cloîtres, loin des intrigues, et surtout à l'abris de ce fatal esprit de coterie et de patronage, que les arèniers obtiennent, non seulement l'aveu public de leurs droits, mais la reconnaissance de leurs titres.
Suivant l'art. 1er de cette Paix : "'usage' est que, quiconque commence arène ou aide à faire par oeuvre de bras ou de ses deniers,

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pour quelque parchon qu'il ait, ladite arène doit suivre et le 'profit' et 'acqueste' durant lui ses hoirs et successeurs après lui..."
Les arèniers ne pouvaient détruire les arènes qu'ils avaient construites d'autorité de justice, ni en entraver le cours, ni, lorsqu'ils exploitaient eux-même, nuire aux travaux d'autrui.
En continuant la lecture de la Paix de St-Jacques, on voit que les arènes doivent rester 'franches' dans leur cours; que personne ne doit y porter obstacle; que les arèniers, en payant les dommages, peuvent traverser le bien d'autrui pour les reconnaître et faire enlever les encombres (désencombrer).
Comme les exploitans ne pouvaient, sans le gré des propriétaires, pénétrer dans leurs fonds pour y établir des travaux, à bien plus forte raison ils ne pouvaient, sans le gré des arèniers, entreprendre ou abandonner des travaux dans le district de leur arène respective.
Toute société d'exploitans, abandonnant ses travaux, était tenue de présenter aux arèniers, ses puits et ustenciles, afin que ceux-ci, s'ils le jugeaient convenable, pussent reprendre et continuer les travaux.
En entreprenant l'exploitation d'une couche, les exploitans étaient dans l'usage d'offrir à l'arènier les prémices de la veine.
L'arènier pouvait contraindre les exploitans qui avaient interrompu ou cessé leurs travaux, de mettre

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la main à l'oeuvre et de les dessaisir en cas de défaut ultérieur.
Suivant le Record de la Cour du Charbonnage du dernier juin 1607, les arèniers ont le droit de faire visiter deux ou trois fois l'année, aux dépends des exploitans, les travaux entrepris et poursuivis dans le district de leur arène. Ces visites avaient pour objet de mettre à portée les arèniers, de surveiller les exploitations établies sur le cours de leur arène et d'exercer en même temps les droits inhérens à leurs titres.
Quelque sacré que fut le droit du propriétaire 'terrageur', auquel les Lois accordaient action criminelle contre les exploitans qui se seraient furtivement introduits dans ses mines, les droits des arèniers semblaient prévaloir encore : car le sociétaire exploitant qui, à défaut de satisfaire à sa quote-part de frais, se laissait déssaisir de son droit, ses associés étaient tenus d'en avertir leur arènier qui avait le droit de purger la part du déssaisi et de le remplacer dans la société, sans rien payer pour lui. Les propriétaires du fond n'avaient pas ce droit.
Les exploitans étaient tenus de conserver en magasin le tantième du produit des extractions appartenant aux arèniers.
Dans le temps où les arèniers exerçaient leurs droits dans toute leur plénitude; dans le temps où le seigneurage (domaine) des arènes, se trouvait concentré en des mains riches et puissantes qui activaient elles-mêmes directement ou indirectement les travaux,

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des exloitans cherchèrent en vain à s'affranchir de leurs obligations : le plus grand nombre d'ailleurs était pénétré de cette vérité consacrée dans nos usages et coutumes que "les arèniers sont les premiers auteurs et originels fondateurs des exploitations".
Mais depuis que les transactions, les ventes, les partages, ont divisé la propriété des arèniers, il leur eût été impossible de s'entendre et de s'unir, non seulement pour exploiter par eux-mêmes, mais encore pour exercer la plus grande partie des droits et prérogatives qui leur appartiennent.
Il ne faut donc pas s'étonner que la plupart de ces droits et prérogatives soient tombés en désuétude. Aussi les arèniers se bornent-ils aujourd'hui généralement à réclamer le cens d'arène.
La section suivante achevera de mettre leurs droits à découvert.

§ II

DU CENS D'ARÈNE.

L'arène, devenue une propriété publique à laquelle il était interdit autant aux arèniers qu'aux exploitans de porter atteinte, mais dont les arèniers conservaient le domaine utile, ainsi que la garde et la surveillance concurremment avec les membres de la Cour des Voir-Jurés, devait nécessairement offrir aux arèniers, c'est à dire à ceux qui l'avaient construite, une indemnnité proportionnée à la dépense qu'elle avait occasionnée.
Pour couvrir cette dépense, il fallait plus que les

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droits et prérogatives concédées aux arèniers comme prix d'encouragement. Les capitaux employés à la construction des arènes, ne pouvaient rester à découvert ni s'amortir par des prérogatives.
Quel motif eût en effet porté l'arènier à user du droit qu'il avait de pénétrer dans les fonds d'autrui, pour faire constater les atteintes portées à son arène s'il n'eût eu intérêt à sa conservation?
C'est pourquoi, et indépendamment des droits et prérogatives dont jouissaient les arèniers, tous les exploitans quels qu'ils fussent, propriétaires du fond et des mines, ou terrageurs, ou permissionnaires, ou même à titre de rendage de prise ou de conquête, tous devaient payer à l'arènier une redevance proportionnelle à l'extraction et cette redevance s'appelait cens d'arène. (1)

(1) Au pays de Liége, les mines étaient dans les mains des propriétaires de la superficie, un objet susceptible de toute espèce de transaction, parce qu'elles pouvaient être exploitées sans autorisation ni concession du gouvernement. Ainsi l'on pouvait être : 1° Ou propriétaire du fond et des mines. 2° Ou propriétaire du fond et non des mines. 3° Enfin, n'être propriétaire ni du fond ni des mines, et cependant avoir le droit d'exploiter. Pour acquérir ce droit, la législation présentait trois moyens : le premier était les contrats volontaires qui se distinguaient en 'permission', 'convention' ou 'rendage de prises', le second, était 'l'action de conquête', et le troisième, la 'prescription'. Par les contrats de convention ou de permission, le propriétaire du fond conservait le domaine des mines, il le perdait -->

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Voici la définition de ce cens telle que la rapportent les Coutumes du pays de Liége :

--> par le contrat de 'rendage'. Ce dernier contrat donnait lieu à un grand nombre de procédures, soit pour en contester la validité ou l'application à telles ou telles mines, soit pour justifier de ses droits ou se qualifier, soit enfin pour en faire prononcer la résolution.
Pour acquérir le droit d'exploiter par adjudication de conquête, il y avait deux formalités à remplir. D'abord l'entrepreneur, auquel le propriétaire refusait la faculté de travailler les mines par 'convention, Rendage ou permission', devait prouver en justice que par son industrie et les moyens qu'il indiquait, il pourrait décharger les eaux qui couvraient les mines qu'il entendait exploiter; en second lieu il devait se pourvoir devant les juges pour en obtenir un décrêt d'adjudication de conquête.
À cet effet le propriétaire du fond était interpellé en justice, à l'effet de déclarer s'il entendait travailler par lui-même les mines qui étaient sous son fond. Il lui était ordonné de mettre aussitôt la main à l'oeuvre, et d'employer les moyens ou tous autres semblables, que l'entrepreneur offrait de mettre en usage. S'il n'obéissait point au décrêt du juge ou s'il ne formait aucune opposition fondée, le juge, après avoir rempli les formalités ordinaires, accordait le décrêt d'adjudication. On voit que cette manière de conquérir était fondée sur les mêmes principes d'intérêt public que les lois actuelles.
Enfin le droit d'exploiter par prescription s'acquérait lorsqu'au vu et su du propriétaire de la superficie, on avait travaillé pendant 40 jours sans défense ni opposition de sa part. Ce droit était à la vérité très borné, puisqu'il ne s'étendait qu'au seul bure ouvert, qu'à la seule veine attaquée : il était -->

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"Census vulgò (cens d'arène,) censetur immobilis cum generaliter census inter immobilia numerentur"

--> vraissemblablement fondé sur la justice de laisser recueillir à l'entrepreneur, le fruit de ses travaux et l'empêcher que le propriétaire du fond, ne fît tourner à son profit des travaux que son silence ou plutôt son consentement tacite avait paru autoriser.
Telles étaient les bases de la législation liégeoise sur lesquelles reposent, depuis le onzième siècle, toutes les transactions entre particuliers. Cette législation a donné lieu à des milliers de contrats et de partages qui forment encore aujourd'hui les titres secondaires en vertu desquels se sont établies un grand nombre d'exploitations; contrats que l'article 552 du code civil avait pris sous son égide tutélaire.
Néanmoins la loi du 21 avril 1810, tit. 2, art. 6, en statuant "que l'acte de concession règle les droits des propriétaires de la superficie sur le 'produit des mines' concédées, n'a pas prévu le cas où ces propriétaires pouvaient n'avoir aucun droit aux mines qui existent sous leurs fonds : et cependant au pays de Liége, il en est plutôt ainsi qu'autrement. Aujourd'hui le gouvernement règle ces droits à raison de 5, 10, 15 cens par hectare, et déclare cette redevance 'perpétuelle et inséparable du fond'; de deux choses l'une : si l'indemnité est due au propriétaire du fond, tandis qu'il existe un propriétaire 'terrageur', il s'ensuit que la loi dépouille l'acheteur pour rendre au vendeur ce qu'il a vendu. Si par une interprétation, on décide le contraire, on retombe dans une nouvelle difficulté; car si l'indemnité doit suivre le fond, tandis que l'objet de cette indemnité en est séparé depuis un siècle et plus, comment le terrageur pourra-t-il 'exercer ses droits acquis'?

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"rentut et perennes rivuli quorum intuitus debentur immobilium naturem habeant ob perpetuam causam" Mean, Obs. 98, N° 12.
Ainsi donc le cens d'arène est une redevance foncière et héréditaire considérée comme immeuble.
Cette redevance affecte toutes les mines auxquelles l'arène a été ou sera communiquée, soit au-dessus, soit au-dessous de sa mer d'eau.
À défaut d'arène, cette redevance est due au propriétaire du fond, alors que l'exploitant verse les eaux au jour; elle se paie doublement et simultanément au propriétaire et à l'arènier, si, après s'être servis de l'arène, les exploitans versent au jour les eaux de leurs travaux, (Record du 15 juin 1570).
Le cens d'arène existait avant la Paix de St-Jacques, où on le trouve formellement rappelé. Des anciens documens prouvent que depuis l'an 1514 jusqu'en l'année 1629, les propriétaires des arènes du Val-St-Lambert, de St-Hubert, de Brosdeux, du Marteau à Herstal, de Blavier, des Gottes à Flémalle et de Lhonneux à Souhon, ont rendu 'prises puissance, donation, faculté, permission' d'ouvrir sus et en limite de leurs arènes respectives, toutes mines de houille, les uns moyennant le 70me, le 80me du produit brut, les autres moyennant un, deux ou trois pour cent des extractions.
Peu à peu l'usage fixa invariablement le cens d'arène au 80me du produit brut des extractions et c'est sur ce pied que les exploitans l'ont constamment acquitté depuis une longue suite d'années.

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Cette fixation fait ressortir l'exiguité de la redevance comparée aux bénéfices que les exploitans retirent des arènes.
Dans son ouvrage, 'de ligno et lapide', Krebs, dit que dans les parties de l'Allemagne, où il existe des mines, le droit que l'on perçoit pour les galeries d'écoulement est du 18me et même du 19me des produits et que ces droits sont dus à toute galerie dont le niveau est à 'dix' toises de la superficie. Cependant au pays de Liége, les arènes sont de 30 à 50 toises de sept pieds au-dessous de la superficie, et bien que les exploitans ne paient rien à l'arènier pour établir le siège de leurs travaux, ni pour construire, puits, galeries, 'bacnures', Bouxtay', 'Avaleresses', etc. Ils ne considèrent pas moins le cens d'arène comme un tribut onéreux et vexatoire. Toutefois il n'est pas d'arènier qui, dans tous les temps, n'ait passé par tous les degrés d'accommodement et de conciliation pour percevoir son cens d'arène et qui, pour éviter d'emmagasiner son 80me, et d'envoyer un commis toutes les quinzaines sur les lieux pour en compter, ainsi qu'il en avait le droit, n'ai consenti à recevoir le paiement de son cens en argent et d'après une évaluation bien au-dessous de sa valeur réelle.
Le cens d'arène a son origine dans les obligations contractées par le Gouvernement envers les arèniers. En acquitant ces obligations, les exploitans n'acquittent pas une dette, une charge personnelle et dépendante de leur volonté; mais ils paient une dette

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éminemment nationale, dette qui doit être d'autant plus sacrée pour eux, qu'en commençant leurs travaux, ils n'ont pu ignorer, ni son origine, ni son existence, ni sa légitimité.
Le cens d'arène est bien moins inhérent à l'arène qu'à la mine sur laquelle le droit réel de l'arènier pèse tout entier.
Ce principe se trouve consacré par un Arrêt de la Cour de Liége, du 20 mars 1811, portant "que le cens d'arène est un droit réel qui doit être acquité par tous ceux qui exploitent les mines qui lui ont été assujetties", il se trouve plus particulièrement encore consacré par un Arrêt de la Cour de cassation de France, en date du 25 juin 1812, portant que "ce cens a 'eu pour cause la concession des mines'".
Il existe aussi un Arrêt de la Cour de Liége, en date du 23 décembre 1808, portant "que le mot 'cens', étant synonime du mot 'rente foncière', doit être regardé comme ayant eu pour cause une concession de fonds par ainsi une concession de mines puisqu'elles partagent la nature du fond."
Les Arrêts de cette même Cour, en date des 24 mars 1807 et 25 mai 1809, méritent d'autant plus d'être cités, qu'ils ont pour base la lettre et l'esprit de nos Coutumes. Le premier déclare "qu'il suffit que les maîtres de fosses se soient servis d'une arène pour être tenus à continuer le paiement du cens, quand même elle leur serait inutile et ne s'en serviraient plus". Le second de ces Arrêts dit :

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"que le paiement du cens d'arène doit être continué alors même qu'on ne s'en sert plus".
On aurait tort d'induire de ces derniers Arrêts, que 'de ce qu'on ne se sert plus d'une arène, elle est devenue inutile'. Une arène peut être inutile par exemple : dans le cas où des exploitans ayant mal conçu le plan de leurs ouvrages, se seraient imaginés qu'en perçant sur une arène, ils auraient obtenu un niveau inférieur à celui qui est résulté réellement du percement. Dans ce cas l'arène à laquelle ils auraient percé peut leur être réellement inutile, mais 'ils ont forfait' et ce délit suffit pour qu'eux et leur successeurs doivent 'ipso facto', le cens à cette arène.
Dans le cas du second Arrêt portant que le cens doit être continué pour l'arène dont on ne se sert plus, il ne s'ensuit pour cela qu'elle soit inutile; car indépendamment qu'elle a servi originairement et que cette circonstance seule suffit pour que le cens lui soit légalement acquis, c'est qu'elle continue à décharger les eaux qui sans elle pèseraient et refouleraient dans tout son district.
Un Arrêt, rendu le 22 mars 1810 au profit des arèniers de Gersonfontaine contre les maîtres de Champay, s'exprime ainsi que dans le dernier considérant : "Attendu en droit, qu'il est de principe en cette matière, que les maîtres d'une exploitation de houille, sont obligés de payer le cens d'arène au propriétaire de la galerie d'écoulement qui, en portant les eaux de leurs ouvrages, leur procure, ou a procuré à leurs prédécesseurs, les moyens

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d'exploiter les veines submergées et sans ce secours, seraient entièrement perdues."
Enfin le jugement rendu par le tribunal de Liége, le 19 février 1806, confirmé par la cour d'appel, le 28 mars 1808, entre les arèniers de Gersonsfontaine et les maîtres de Lahaye, est tellement fort de faits et de principes, que je ne puis m'abstenir d'en faire ici l'extrait.
Ce jugement condamne les exploitans de la Haye, à payer aux arèniers de Gersonfontaine le cens d'arène, 1° parce qu'il est constant que les travaux de la Haye, sont situés entre les deux branches de cette arène : 2° parce que les bures approfondis dans le Bois Mayette y ont été assujettis et que c'est dans ce même terrein qu'est situé le bure de la Haye. 3° Parce que ce bure la Haye n'est qu'un ancien bure repris et rétabli par la société actuelle et qu'il y a forte présomption que ce bure est le même pour lequel le sieur Boulanger, représenté aujourd'hui par le sr. Jeunehomme l'un des actionnaires de la Haye, a paié le cens d'arène aux auteurs des demandeurs. 4° Parce qu'il est une présomption générale, établie en houillère, que dans l'endroit où un canal légalement érigé est dominant, les fosses, qui sont ouvertes en cet endroit, ont versé et versent les eaux sur ce canal, et doivent conséquemment payer le cens d'arène par le motif que les bures, qui avoisinent un canal d'écoulement, ont toujours quelques débouchés ou communications à ce canal, soit par une voie directe et expressément pratiquée, soit par les vides et anciens ouvrages qui se succèdent,

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se joignent et se desserrent l'un à l'autre. 6° Parce qu'il est de principe que les places vides et les excavations sont tenues pour poursuites du canal qui a servi à tirer hors d'icelles. 7° Parce que tout bure qui a été bénéficié dans son origine par une galerie d'écoulement, ne peut se dispenser de continuer le payement du cens d'arène, quand même elle lui serait devenue inutile, et ne s'en servirait plus. 8° Parce que les sociétaires actuels de la Haye ont extrait la mine pendant plusieurs années et sans en être empêché par les eaux, et qu'enfin ils versent leurs eaux sous terre, sans qu'ils aient donné aucune indication de leur décharge.
Ce jugement motivé en entier sur les usages, coutumes et édits, porte avec lui l'empreinte de la science du mineur de l'impartialité la plus exacte, répousse avec équité les moyens des exploitans, et fait honneur aux juges qui l'ont rendu et qui l'ont confirmé.
D'après ce qui vient d'être dit, ou cité, on a déjà dû concevoir la possibilité et la justice qu'une exploitation pût être assujettie à servir plusieurs cens d'arène. En effet si, après les premiers travaux établis par le bénéfice d'une arène, une exploitation vient à communiquer à d'autres arènes, soit que cette communication ait lieu du gré des arèniers, soit d'autorité de justice, le cens est dû à chaque arène. Cette réserve était tellement de droit que, sans garantie semblable, personne n'eût voulu construire une arène dans la crainte de perdre les fruits d'une entreprise aussi dispendieuse. Les exploitans eussent été les plus intéressés à tenter le moyens

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de s'affranchir par des abattemens et des communications illicites, d'un deuxième et même d'un troisième cens.
On a vu au chapitre 1er, §7, que l'arène du Val-St-Lambert fut abattue en 1693 sur l'areine de la Cité. Lorsque, par suite de cet abattement, les eaux furent écoulées, les exploitans se permirent de percer le massif de la serre qui séparait l'arène de la Cité, de l'arène Messire Louis Douffet, et abbatirent ainsi clandestinement une partie des eaux de la première sur la seconde qui lui était inférieure; aussi furent-ils condamnés à payer trois cens d'arène : le premier à l'arène du Val-St-Lambert qui avait bénéficié le siège de leur exploitation; le second à l'arène de la Cité sur laquelle ils avaient été autorisés à abattre les eaux de celle-là et le troisième à l'arène inférieure de Messire Louis Douffet à laquelle ils avaient desserré et communiqué sans la permission des arèniers, sans enseignement de justice, et au mépris du Record de l'an 1607.
Ces jugemens, portant condamnation à trois cens d'arène, furent rendu par les Échevins de la justice souveraine du pays de Liége; le premier à charge du Sr. Fassin, membre de ce même tribunal et premier ministre du Prince de Liége, comme propriétaire de l'exploitation site l''Espérance'; le 2° contre le Sr. Piette également Échevin et propriétaire de l'exploitation dite 'Mabiet'; le troisième contre les propriétaires de l'exploitation dite 'Sauvage Mêlée', et le 4° contre les Maîtres de l'exploitation de la Conquête.

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Parmi les diverses exploitations qui ont été assujetties à payer plusieurs cens d'arène, sont :
1° La houillère 'Roisthier' condamnées en 1591 à payer deux cens, le premier à l'arène de Messire Louis Douffet, le second à l'arène de RichonFontaine.
2° Les quatre houillères dites 'Jeron' aux Tawes, condamnée à payer deux cens d'arène, l'un à Richonfontaine, l'autre à l'arène Brosdeux.
3° La houillère dite 'Mostrandy' à Berleur, paya deux cens d'arène, l'un à l'arène Dordenge, l'autre à l'arène Blavier.
4° La houillère du Gosson, paya deux cens d'arène, l'un à l'arène Blavier, l'autre à l'arène Falloise et Borrette.
5° Et enfin l'exploitation du Beaujonc, par suite des jugemens et arrêts rendus il y a peu d'année, a dû se soumettre à payer deux cens d'arène, l'un à l'arène du Val-St-Lambert, l'autre à l'arène de la Cité.
Ces doubles et tribles cens sont dus par application du record de la cour des Voir-Jurés en date du 12 novembre 1586 lequel porte textuellement : "que le cens d'arène doit s'acquitter à l'arène qui aurait xhorré ou bénéficié autrefois les ouvrages d'une telle fosse comme à celle qui les xhorre et bénéfice actuellement".
En définitif Mr. Leclercq procureur-général, dans son mémoire, comme avocat plaidant en cause des propriétaires de l'arène Blavier contre les maîtres des houillères dites 'Gosson et Lagasse', a complètement démontré l'analogie qui, d'après la coutume de Liége,

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existe entre le cens d'arène pour concession de mines et le cens ou rente annuelle pour concession de fonds. "Bien que le cens d'arène se payât, dit-il, en nature, il n'en était pas moins immeuble comme celui dû pour concession de fonds. Et le défaut de payement de l'un ou l'autre de ces cens, donnait à l'arènier, comme au propriétaire, le droit 'de dessaisir'.
Le parallèle que Mr. Leclercq établit, pag. 10 et suivantes, entre l'arènier qui est supposé bailler les mines qu'il a conquises et le propriétaire qui baille son fonds, l'un moyennant un cens d'arène, l'autre moyennant un cens payable en nature ou en argent, doit fixer d'autant plus l'attention qu'il le fait suivre d'un rapprochement bien juste "un créancier postérieur, dit-il, a le droit de purger le saisissant en lui payant tous les arrérages. Lorsqu'une société d'exploitans saisit la part d'un associé pour défaut de payement de sa quote part des frais, l'arènier peut purger l'action du dessaisi sans rien payer : ainsi, ajoute-t-il, l'arènier, exerce le droit d'un propriétaire : il a concédé le droit à un des associés, il le reprend dès que celui-ci ne peut l'exercer; il ne permet pas que son abandon le transfère à un autre associé".
"L'arènier, continue Mr. Leclercq, a constitué son cens sur les mines que domine son arène, comme le propriétaire concède son fonds pour un cens ou rente annuelle : le preneur d'un fonds peut remettre, en mains de son vendeur, l'héritage qu'il a acquis, en quittant la vesture d'icelui, le contrepant

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et tous les arriérés avec un an à échéoir : de même l'exploitant, qui abandonne, fait déguerpissement de ses ouvrages en offrant à son rendeur, son bure et tous les équipages et ustenciles de l'exploitation; ce qui équivaut à la remise de vesture et au dédommagement que reçoit le rendeur d'un fonds par le contrepant et un an à écheoir".
Néanmoins qu'il me soit permis de présenter ici une observation : de tout ce qui vient d'être dit pour démontrer que le cens de l'arène et le cens provenant d'un 'rendage' de fonds, tiennent de la même nature et ont des effets à peu près semblables dans leurs résultats, on ne pourrait, ce me semble, induire avec fondement qu'il y a identité de droit pour les preneurs.
Le 'rendeur' d'un fond, moyennant le capital qu'il reçoit pour 'contrepant' et moyennant une rente foncière et annuelle qui est aujourd'hui rachetable, se dessaisi de sa propriété. L'arènier, au contraire ne se dessaisit de rien : seulement il abandonne une portion de son droit d'exploiter dans telle partie du district de son arène, moyennant la réserve du 80me du produit brut des extractions. En conséquence l'arènier conserve non-seulement le domaine utile de toute son arène, mais encore l'exercice de tous ses droits et prérogatives; il conserve en un mot son titre primitif dans toute son intégrité. D'où il suit que le cens d'arène n'est point et ne peut être rachetable.

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§ II

DROITS DE ARÈNIERS MAINTENUS PAR LES LOIS ACTUELLES.

Depuis la révolution et notamment depuis la suppression de fait de la cour de Voir-Jurés, donc depuis 1794 jusqu'en 1805, les exploitans s'étaient crus affranchis de remplir leurs obligations envers les arèniers : ceux-ci de leur côté, presque tous dans la classe des rentiers et des propriétaires, ne virent dans l'oubli de leurs droits, qu'un nouveau sacrifice que leur imposaient les circonstances. Néanmoins de nombreux jugemens et arrêts, s'étant accumulés depuis 1804 jusqu'en 1809 sur les propriétaires d'exploitations les plus importantes, déterminèrent ces propriétaires, en l'année 1809, à se pourvoir auprès du gouvernement français pour qu'il saisît l'autorité administrative des contestations qu'ils soutenaient avec désavantage contre les arèniers. Ces derniers, éveillés par une attaque aussi inattendue, firent parvenir au ministre de l'intérieur et au conseil d'état, par l'intermédiaire du préfet de l'Ourthe, des mémoires et des documens propres à justifier et leurs titres et leurs droits : ils firent de plus parvenir un mémoire au comte Laumont, directeur général des mines. Alors intervint l'avis du conseil d'état du 29 août 1809, confirmé par l'Empereur le 20 septembre suivant, et dont je crois indispensable de transcrire ici en entier les dispositions,

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" Le conseil d'état qui, d'après le renvoi ordonné par Sa Majesté, a entendu le rapport de la section de l'intérieur sur celui du ministre de ce département, tendant 'à faire juger administrativement' les contestations nées et à naître entre les propriétaires 'des arènes' ou galeries d'écoulement et les concessionnaires des mines de houille relatives au droit de 'cens d'arène', et en conséquence de 'surseoir' à l'exécution des jugemens et arrêts qui auraient pu être rendus jusqu'à ce jour au profit desdits propriétaires d'arènes contre des concessionnaires des mines et notamment à l''exécution des jugemens et arrêts rendus par le tribunal civil et en la cour d'appel' à Liége."
"Est d'avis qu'attendu que la question a été portée devant les tribunaux 'suivant' les anciens usages établis, et jugée suivant les formes adoptées dans le pays de Liége; que le nouveau systême adopté par la loi sur les mines qui doit être portée à la prochaine session du corps législatif, déterminera les mesures à prendre à l'avenir en pareille circonstance et que la question présentée par le ministre se trouve décidée par cette loi."
"Il n'y a pas lieu à statuer sur la proposition du ministre".
Voici maintenant comme cette question se trouve décidée par la loi du 21 avril 1810, art. 41 et 55.
Art. 41, "ne sont point comprises, dans l'abrogation des anciennes redevances, celles dues à titre de rentes, droits et prestations quelconques pour cession de fonds"

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"'ou autres causes semblables' sans déroger toutefois à l'application des lois qui ont supprimé les droits féodaux".
Il répugne au bon sens que les droits de cens d'arène soient entachés de la moindre féodalité et nénmoins on a fait valoir ce moyen devant les tribunaux.
Art. 55 "en cas d'usages locaux ou d'anciennes lois qui donneraient lieu à la décision de cas extraordinaires, les cas qui se présenteront seront décidés par les actes de concession ou par les jugemens de nos cours et tribunaux selon les droits résultant pour les parties des usages établis, des prescriptions légalement acquises et les conventions réciproques."
Voilà bien, ce semble, la question soumise par le ministre, clairement décidée : voilà les droits des arèniers bien placés sous l'égide de la loi et sur les plateau de la balance. Si en outre l'on se reporte aux discours des orateurs, on ne pourra s'empêcher de reconnaître que l'intention des législateurs, comme celle de la loi même, a été, non pas d'ajouter, mais bien d'imprimer aux droits des arèniers, le sceau ineffaçable de la justice.

§ III

LES ARÈNIERS SONT-ILS DANS L'OBLIGATION D'ENTRETENIR ET RÉPARER LES ARÈNES?

Cette question aussi délicate qu'intéressante se résolverait tout entière à l'avantage des exploitans

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si elle pouvait être présentée dans le cas simple et chacun dira d'abord : 'qui sentit commodum debet sentie incommodum'.
Pour mettre cette question dans son véritable jour, il est nécessaire de remonter à la source des titres et droits des arèniers.
Nous avons vu que le Gouvernement Liégeois a provoqué, protégé, encouragé, dans l'intérêt public, la construction des arènes : Nous avons vu que ce n'est point avec les exploitans, mais bien avec le Gouvernement, que contractèrent les Notables et les établissemens les plus fortunés du Pays; qu'ainsi la construction des arènes eut lieu, non à la réquisition, pour le service et l'intérêt particulier des exploitans, mais pour et dans l'intérêt de la société entière. (1)
Nous avons également vu que pour reconnaître l'important service qu'ils ont rendu à la chose publique (et ob perpetuam causam), ils jouirent du droit d'exploiter les mines qu'ils avaient 'conquises' et qu'ils conquereraient par la suite, ou de recevoir à l'extraction le tantième que l'usage fixa au 80me.
Ainsi, l'arène étant construite, ne peut-on pas dire que les deux parties contractantes, satisfaites l'une de l'autre, ont rempli complètement leurs obligations et qu'elles n'ont plus rien à s'exiger respectivement?

(1) Le 16 novembre 1625, la cour des Voir-Jurés déclara : "que l'établissement des arènes 'Redonde' plus au profit du Prince et de la chose publique, qu'à ceux qui les ont faites et 'procurées'".

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Comment se fait-il donc que des tiers, des exploitans viennent dire aux arèniers : "Entretenez vos arènes. Nous nions que vos arènes, bénéficient ou aient bénéficié nos ouvrages. 'Actor debet venire paratus in judicio?'" Je ne ferai point aux exploitans l'injure de leur attribuer de semblables moyens qui décèlent une profonde ignorance de la matière. Mais pourquoi donc adresser des questions et des dénégations semblables, plutôt aux arèniers qu'au Gouvernement même, qui seul, pouvait dans le principe imposer cette obligation aux arèniers, et qui cependant ne l'a pas fait?
Que les arèniers exploitans aient entretenu leurs arènes, cela se conçoit, cela devait être; mais hors de ce cas, les arènes placées sous la Sauve-Garde des Lois, sont des monumens publics dont la charge est tout entière à ceux qui en usent et en profitent dans leur intérêt privé.
Si d'une part, l'on considère que les conventions entre le Gouvernement liégeois et les arèniers n'imposaient au premier, c'est-à-dire, au Gouvernement, ni avances ni remboursement de fonds; si l'on considère d'autre part, qu'en se livrant à des travaux préparatoires, les exploitans jouissaient comme ils jouissent encore, des bénéfices des arènes sans rien payer à l'arènier; si l'on considère en général qu'à défaut d'exploitations en activité dans le district de leurs arènes, des arèniers se sont vu frustrés de tous cens d'arène pendant des années entières et qu'enfin il n'en est aucune qui ait été ni pu être couvert

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je ne dirai pas des frais de l'entreprise, mais de l'intérêt de son capital; il sera facile de se convaincre qu'aucun arènier n'a consenti ni pu consentir à se charger de la réparation et de l'entretien des arènes, et encore, faudrait-il avant tout démontrer qu'il a été dans la pensée du Gouvernement, de leur en imposer l'obligation.
L'art. 8 de la Paix de St-Jacques, est ainsi conçu : "Item, 'usage' est que toutes arènes faisant forches, une ou plusieurs, que de l'oeil de l'arène jusqu'à 'la forche', qu'elles doivent être entretenues aux communs frais et costenges, et de la forche en amont, que chacun doit tenir son leveau à ses frais et costenges tellement qu'une partie n'ait pas de dommages pour l'autre."
Cette disposition, la seule qui décide de la question, la seule qui exprime la volonté du législateur, paraît aussi claire que précise : car, à qui s'appliquent les mots 'chacun, communs frais et costenges, que l'une partie n'ait pas de dommages pour l'autre', si ce n'est aux exploitans?
Comment donc une question si simple a-t-elle pu être vue sous différentes faces?
On ne pourrait citer une arène qui fasse fourche depuis son embouchure jusqu'au steppement et cela fût-il, cela ne détruirait en rien, ce que je viens de dire. L'arène proprement dite ne commence qu'au steppement, c'est-à-dire, à la veine, jusque là, c'est une véritable galerie d'écoulement, mais formant un tout indivisible avec l'arène. Or, quand l'article pécité dit : que 'toute arène faisant forche, une ou

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plusieurs doit être entretenue aux communs frais et costenges' ce mot 'communs' ne peut concerner l'arènier dont la propriété est indivise, mais il doit nécessairement s'appliquer aux exploitans dont les travaux viennent communiquer à l'arène, où les eaux arrivent et se déchargent sur des points différens.
Remarquez bien, je vous prie, que cet article ne parle pas de 'l'oeil de l'arène jusqu'au steppement', mais bien 'de l'arène jusqu'à la fourche'; or, cette fourche s'opère dans la distance de son oeil au steppement, ce qui n'est pas; ou bien au-delà du steppement, il importe peu; il s'en suivra toujours que, de l'oeil à la fourche, l'entretien 'doit avoir lieu aux communs frais et costenges'. Cette solution se trouve corroborée par la suite de ce même article "'et de la forche en amont' que chacun doit tenir son leveau (niveau) à ses frais et costenges, tellement que 'l'une des partie n'aie pas de dommages pour l'autre'". Ce dernier terme, corollaire de la proposition, lève tous les doutes. On y voit les travaux des exploitans, entrepris sur la veine où l'arène répose son front, se rapprochant de celle-ci et cherchant chacune à y jetter, à la moindre distance possible, leur encre d'espérance et de salut. C'est, à ce point de communication avec l'arène, que les exploitans viennent recevoir de l'arènier le droit d'exploiter les veines qu'ils pourront atteindre; c'est aussi là que commence pour l'arènier le droit d'accession (ob perpetuam causam) droit sacré que le gouvernement lui-même est tenu de lui garantir.

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De quelque côté donc qu'on envisage l'art. 8 de la paix de St-Jacques, il paraît impossible d'y rien y trouver qui autorise l'allégation que c'est aux arèniers à entretenir et réparer les arènes. Ceux-là sont dans une bien grande erreur, ce semble, qui, pour étayer ce principe, invoquent les termes dont s'est servit Louvrex en commentant cet article.
En analysant l'art. 8 de la paix de St-Jacques, Louvrex dit : "arène faisant fourche doit être entretenue aux frais communs des arèniers jusqu'à la dite fourche, et plus haut à proportion que chacun s'en sert. Des deux choses l'une : Louvrex n'a entendu ni pu entendre parler ici que des 'arèniers exploitans eux-mêmes', ou bien il a qualifié d'arèniers les exploitans qui construisaient des 'xhorres' pour parvenir à l'arène : cette qualification se retrouve fréquemment dans les anciens actes, où l'on voit les mots 'xhorre' et 'arène' pris dans la même acceptation. Quoiqu'il en soit, dans l'origine, les arèniers étaient presque tous chefs d'exploitations; c'est ce que prouvent les anciens documens, où l'on voit que les exploitans étaient les 'ouvriers et serviteurs des arèniers'. Dans le temps même, où vivait Louvrex, les arèniers avaient pu cesser d'être chefs d'exploitations, mais les exploitans, 'pour acquérir titres', étaient alors 'ou arèniers, ou aux droits des arèniers', en sorte que Louvrex qualifie d'arèniers, les 'exploitans qui avaient xhorrés et conquis en vertu de l'édit de 1582. Si cette explication pouvait encore laisser quelque doute, je ferais à ceux qui prétendront opposer le commentaire à la Loi,

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les deux questions suivantes : comment appliquer aux arèniers qui, en général ne sont ni ne peuvent plus être exploitans par la trop grande division de la propriété des arènes, comment dis-je, appliquer aux arèniers ces mots : 'A proportion que chacun s'en sert? un arènier non exploitant', et il en exista toujours, s'est-il jamais servi de son arène?
Deuxièmement, et en supposant très-gratuitement sans doute, que Louvrex eût entendu parler des arèniers non exploitant, l'opinion ou l'erreur d'un particulier peut-elle être au dessus de la Loi, et prévaloir à ces séries séculaires de records, de jugemens, de transactions qui, depuis l'an 1514 jusqu'à nos jours, prouvent que l''usage constant a toujours été que la réparation et l'entretien des arènes incombaient aux exploitans'?
L'art. 8 de la paix de St-Jacques, et le commentaire qu'en a fait Louvrex, sont, quant à la lettre et à l'esprit, en harmonie parfaite : de leur rapprochement, de leur combinaison, résultent l'évidence, que ce n'est point aux arèniers, mais bien aux exploitans, aux exploitans auxquels seuls les termes dispositifs peuvent d'appliquer, à entretenir les arènes; et ce, "à 'leurs communs' frais et costenges et de la forche en amont que 'chaque' doit tenir son leveau à ses frais et costenges 'à proportion que chacun s'en sert' tellement que 'l'une partie' n'ait pas de dommage 'pour l'autre'. En pesant tous ces mots, il est impossible, je le répète, d'en appliquer un seul aux arèniers alors qu'ils n'exploitent pas.

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Mr Leclercq, dans son Mémoire en cause des propriétaires de l'arène Blavier contre les maîtres des houillères 'Gosson et Lagasse', page 21 inclus 25, a donné à cette matière les plus amples développemens : ces raisonnemens sont sans répliques. Ce jurisconsulte éclairé, répond aussi à une objection dont les exploitans se sont fait un moyen contre les arèniers.
L'art. 1er de la Paix de St-Jacques, statue : "Que les profits de l'arène doivent suivre à celui qui l'a construite, ainsi qu'à ses successeurs après lui : 'si donc ne la perdaient ou méfaisaient de leur coulpe'."
De ces dernières expressions, les exploitans ont tiré l'induction qu'un arènier, qui n'entretenait pas son arène, ou qui la laissait obstruée, avait méfait de sa coulpe.
La manière dont Mr Leclercq, a relevé ce raisonnement, en a fait ressortir tout le ridicule.
Indépendamment qu'on ne voit pas par quel motif des arèniers non exploitans chercheraient à perdre leur arène et méfaire de leur coulpe, puisque d'un côté, ils se nuiraient à eux-mêmes, et que d'un autre, ils s'exposeraient à être poursuivis comme tout autre Citoyen qui aurait porté atteinte au cours des arènes, c'est qu'il est incroyable que l'on puisse considérer l'arènier comme coupable d'un méfait, alors qu'il n'y aurait que négligence de sa part. Ici, le mot méfait, dans sa véritable acceptation, signifie une mauvaise action qui porte préjudice à autrui; or, ce qui porte réellement préjudice à autrui est un délit.

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Comment donc caractériser de délit, la négligence qu'aurait apportée l'arènier à réparer une arène en supposant qu'il ait été tenu à cette réparation?
Toujours l'art. 1er de la Paix de St-Jacques à la main, les exploitans ont encore cru trouver dans le N° 5, un moyen favorable à leur système.
"S'il arrivait qu'aucune araine, stronlasse ou remontasse au-devant quelque parte que ce fust en lieu de la droite course, celui à qui l'araine seroit, la peut aller requérir et discombrer parmi les dommages de l'héritage desseur."
Dans ce texte, les exploitans croient apercevoir l'obligation aux arèniers d'entretenir et réparer les arènes. Il est palpable que cette induction est purement arbitraire.
Pour reconnaître une arène que l'on a méchamment encombrée, il faut bien y pénétrer : pour y pénétrer il faut bien faire enlever les encombres : or, faire enlever les encombres dans le but indiqué, est-ce la réparer? Quelle est donc cette manie de métamorphoser en obligation une véritable prérogative dont les exploitans ne pourraient user ni se prévaloir eux-mêmes, qu'en se disant autorisés par l'arènier?
L'on concevra aisément que si les arèniers avaient le droit de faire surveiller, aux dépens des exploitans mêmes, les travaux souterrains, tant pour assurer la conservation de leurs droits que pour connaître les points ou les limites jusqu'où ils pouvaient les exercer, il était également naturel que ce droit, de faire surveiller, s'étendît depuis l'oeil de l'arène jusqu'au steppement.

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Mais suit-il delà, que le droit 'd'aller à la recherche de leur arène, dans les propriétés d'autrui et de les discombrer pour poursuivre cette recherche', emporte implicitement l'obligation de les entretenir? non sans doute, assurément non; le droit de poursuivre et de discombrer une arène, ne pouvait être conféré directement aux exploitans pour une raison qui se présente d'elle-même; c'est que le Gouvernement contractait, non avec des exploitans qui ne tenaient de lui aucune concession, mais avec les arèniers dont il voulait encourager les entreprises en donnant à leurs titres le sceau de la garantie et de la perpétuité.

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