samedi 22 décembre 2007

Chapitre II : Des Arèniers

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CHAPITRE II

Des Arèniers

PARAGRAPHE PREMIER

DE LEURS TITRES DROITS ET PRÉROGATIVES

Les titres, droits et prérogatives des arèniers (1) se trouvent dans les 'paix', les édits, les coutumes du pays de Liége et dans les 'Recors' de la cour du charbonnage dite des 'Voir-Jurés'. Le grand nombre de contrats, qui ont été passés entre les arèniers et les exploitans depuis quatre à cinq siècles et plus, prouvent quelle était l'étendue, quels étaient les effets de ces titres, droits et prérogatives.
La paix de St-Jacques de l'an 1487, était la loi fondamentale de la matière que je traiterai dans ce chapitre; qu'il me soit permis de dire au préalable un mot sur la signification du mot 'Paix'.
Le pays de Liége, gouverné d'après les privilèges, franchises et libertés octroyées par les empereurs

(1) On disait anciennement 'hernier', 'arhnier'.

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rois des Romains, par les papes et par les évêques Princes de Liége, n'avait pas de 'Code de lois'. Les usages, les coutumes lui en tenaient lieu.
Mais ces usages, ces coutumes n'avaient pu disposer pour les cas à venir : delà 'une infinité d'interprétations, de mésentendement et occupation de prolixité d'écritures qui suscitoient de grands différens et altercations'.
"Désirant mettre au bas tous les différens et toutes choses y être mises au clair et bon entendement, et pour ôter tout abus, mesus, choses obscures et de double entendement..., il intervenait entre le Prince, les autorités et les députés du peuple, des statuts, des ordonnances, des règlemens portant interprétation, restriction ou addition aux usages et coutumes. Ce sont ces statuts, ces usages, ces ordonnances, ces règlemens, toujours confirmés et approuvés par le Prince, que l'on appelait 'paix', parce qu'en effet ils mettaient fin aux différens, aux prétentions et aux discussions qui en avaient été l'objet, soit entre les corps de l'état, soit entre ceux-ci et les particuliers.
La paix de St-Jacques fut ainsi dénommée, parce qu'elle fut signée dans l'Abbaye de ce nom, où les délégués "s'étaient mis et remis ensemble sans illecque, départir ni yssir, (sortir) jusqu'à ce que sur tout le contenu, desseur dit, ils besoignez, déclarez, adouvert, modéré et conclud tout ce que bon raisonnable et expédient leur a semblé se devoir faire en tout et par tout, de tout leur pouvoir, sens avis et entendement."

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Dans cette circonstance solennelle, où il s'agissait de fixer les droits des parties, c'est-à-dire, des arèniers et des exploitans, des 'arèniers-exploitans' et des 'exploitans-arèniers', on ne peut voir sans admiration quinze délégués choisis parmi les notables les plus marquans et les plus éclairés du pays, se renfermer dans un cloître pour examiner les coutumes et usages de houillère ainsi que les statuts, lois, ordonnances rendus sur la matière, afin d'en faire un rapport concis et se rendre ainsi, pendant la durée entière de 'leurs grands labeurs et diligences', inaccessibles aux parties intéressées et même aux hommes.
La paix de St-Jacques prouve, qu'antérieurement à sa promulgation, il existait des lois, des usages, des coutumes en matière de houillère : mais comme le dit l'exposé des motifs de cette paix, "chaque partie prenoit ce qui servoit à sa cause et lui étoit profitable et delaissoit ou postposoit ce qui par restriction ou modération lui étoit contraire; ce qui donnoit grande occupation, vexation et travail aux juges tenant siège de justice en la Cité de Liége."
C'est donc cette Paix, méditée et conçue dans le profond silence des cloîtres, loin des intrigues, et surtout à l'abris de ce fatal esprit de coterie et de patronage, que les arèniers obtiennent, non seulement l'aveu public de leurs droits, mais la reconnaissance de leurs titres.
Suivant l'art. 1er de cette Paix : "'usage' est que, quiconque commence arène ou aide à faire par oeuvre de bras ou de ses deniers,

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pour quelque parchon qu'il ait, ladite arène doit suivre et le 'profit' et 'acqueste' durant lui ses hoirs et successeurs après lui..."
Les arèniers ne pouvaient détruire les arènes qu'ils avaient construites d'autorité de justice, ni en entraver le cours, ni, lorsqu'ils exploitaient eux-même, nuire aux travaux d'autrui.
En continuant la lecture de la Paix de St-Jacques, on voit que les arènes doivent rester 'franches' dans leur cours; que personne ne doit y porter obstacle; que les arèniers, en payant les dommages, peuvent traverser le bien d'autrui pour les reconnaître et faire enlever les encombres (désencombrer).
Comme les exploitans ne pouvaient, sans le gré des propriétaires, pénétrer dans leurs fonds pour y établir des travaux, à bien plus forte raison ils ne pouvaient, sans le gré des arèniers, entreprendre ou abandonner des travaux dans le district de leur arène respective.
Toute société d'exploitans, abandonnant ses travaux, était tenue de présenter aux arèniers, ses puits et ustenciles, afin que ceux-ci, s'ils le jugeaient convenable, pussent reprendre et continuer les travaux.
En entreprenant l'exploitation d'une couche, les exploitans étaient dans l'usage d'offrir à l'arènier les prémices de la veine.
L'arènier pouvait contraindre les exploitans qui avaient interrompu ou cessé leurs travaux, de mettre

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la main à l'oeuvre et de les dessaisir en cas de défaut ultérieur.
Suivant le Record de la Cour du Charbonnage du dernier juin 1607, les arèniers ont le droit de faire visiter deux ou trois fois l'année, aux dépends des exploitans, les travaux entrepris et poursuivis dans le district de leur arène. Ces visites avaient pour objet de mettre à portée les arèniers, de surveiller les exploitations établies sur le cours de leur arène et d'exercer en même temps les droits inhérens à leurs titres.
Quelque sacré que fut le droit du propriétaire 'terrageur', auquel les Lois accordaient action criminelle contre les exploitans qui se seraient furtivement introduits dans ses mines, les droits des arèniers semblaient prévaloir encore : car le sociétaire exploitant qui, à défaut de satisfaire à sa quote-part de frais, se laissait déssaisir de son droit, ses associés étaient tenus d'en avertir leur arènier qui avait le droit de purger la part du déssaisi et de le remplacer dans la société, sans rien payer pour lui. Les propriétaires du fond n'avaient pas ce droit.
Les exploitans étaient tenus de conserver en magasin le tantième du produit des extractions appartenant aux arèniers.
Dans le temps où les arèniers exerçaient leurs droits dans toute leur plénitude; dans le temps où le seigneurage (domaine) des arènes, se trouvait concentré en des mains riches et puissantes qui activaient elles-mêmes directement ou indirectement les travaux,

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des exloitans cherchèrent en vain à s'affranchir de leurs obligations : le plus grand nombre d'ailleurs était pénétré de cette vérité consacrée dans nos usages et coutumes que "les arèniers sont les premiers auteurs et originels fondateurs des exploitations".
Mais depuis que les transactions, les ventes, les partages, ont divisé la propriété des arèniers, il leur eût été impossible de s'entendre et de s'unir, non seulement pour exploiter par eux-mêmes, mais encore pour exercer la plus grande partie des droits et prérogatives qui leur appartiennent.
Il ne faut donc pas s'étonner que la plupart de ces droits et prérogatives soient tombés en désuétude. Aussi les arèniers se bornent-ils aujourd'hui généralement à réclamer le cens d'arène.
La section suivante achevera de mettre leurs droits à découvert.

§ II

DU CENS D'ARÈNE.

L'arène, devenue une propriété publique à laquelle il était interdit autant aux arèniers qu'aux exploitans de porter atteinte, mais dont les arèniers conservaient le domaine utile, ainsi que la garde et la surveillance concurremment avec les membres de la Cour des Voir-Jurés, devait nécessairement offrir aux arèniers, c'est à dire à ceux qui l'avaient construite, une indemnnité proportionnée à la dépense qu'elle avait occasionnée.
Pour couvrir cette dépense, il fallait plus que les

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droits et prérogatives concédées aux arèniers comme prix d'encouragement. Les capitaux employés à la construction des arènes, ne pouvaient rester à découvert ni s'amortir par des prérogatives.
Quel motif eût en effet porté l'arènier à user du droit qu'il avait de pénétrer dans les fonds d'autrui, pour faire constater les atteintes portées à son arène s'il n'eût eu intérêt à sa conservation?
C'est pourquoi, et indépendamment des droits et prérogatives dont jouissaient les arèniers, tous les exploitans quels qu'ils fussent, propriétaires du fond et des mines, ou terrageurs, ou permissionnaires, ou même à titre de rendage de prise ou de conquête, tous devaient payer à l'arènier une redevance proportionnelle à l'extraction et cette redevance s'appelait cens d'arène. (1)

(1) Au pays de Liége, les mines étaient dans les mains des propriétaires de la superficie, un objet susceptible de toute espèce de transaction, parce qu'elles pouvaient être exploitées sans autorisation ni concession du gouvernement. Ainsi l'on pouvait être : 1° Ou propriétaire du fond et des mines. 2° Ou propriétaire du fond et non des mines. 3° Enfin, n'être propriétaire ni du fond ni des mines, et cependant avoir le droit d'exploiter. Pour acquérir ce droit, la législation présentait trois moyens : le premier était les contrats volontaires qui se distinguaient en 'permission', 'convention' ou 'rendage de prises', le second, était 'l'action de conquête', et le troisième, la 'prescription'. Par les contrats de convention ou de permission, le propriétaire du fond conservait le domaine des mines, il le perdait -->

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Voici la définition de ce cens telle que la rapportent les Coutumes du pays de Liége :

--> par le contrat de 'rendage'. Ce dernier contrat donnait lieu à un grand nombre de procédures, soit pour en contester la validité ou l'application à telles ou telles mines, soit pour justifier de ses droits ou se qualifier, soit enfin pour en faire prononcer la résolution.
Pour acquérir le droit d'exploiter par adjudication de conquête, il y avait deux formalités à remplir. D'abord l'entrepreneur, auquel le propriétaire refusait la faculté de travailler les mines par 'convention, Rendage ou permission', devait prouver en justice que par son industrie et les moyens qu'il indiquait, il pourrait décharger les eaux qui couvraient les mines qu'il entendait exploiter; en second lieu il devait se pourvoir devant les juges pour en obtenir un décrêt d'adjudication de conquête.
À cet effet le propriétaire du fond était interpellé en justice, à l'effet de déclarer s'il entendait travailler par lui-même les mines qui étaient sous son fond. Il lui était ordonné de mettre aussitôt la main à l'oeuvre, et d'employer les moyens ou tous autres semblables, que l'entrepreneur offrait de mettre en usage. S'il n'obéissait point au décrêt du juge ou s'il ne formait aucune opposition fondée, le juge, après avoir rempli les formalités ordinaires, accordait le décrêt d'adjudication. On voit que cette manière de conquérir était fondée sur les mêmes principes d'intérêt public que les lois actuelles.
Enfin le droit d'exploiter par prescription s'acquérait lorsqu'au vu et su du propriétaire de la superficie, on avait travaillé pendant 40 jours sans défense ni opposition de sa part. Ce droit était à la vérité très borné, puisqu'il ne s'étendait qu'au seul bure ouvert, qu'à la seule veine attaquée : il était -->

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"Census vulgò (cens d'arène,) censetur immobilis cum generaliter census inter immobilia numerentur"

--> vraissemblablement fondé sur la justice de laisser recueillir à l'entrepreneur, le fruit de ses travaux et l'empêcher que le propriétaire du fond, ne fît tourner à son profit des travaux que son silence ou plutôt son consentement tacite avait paru autoriser.
Telles étaient les bases de la législation liégeoise sur lesquelles reposent, depuis le onzième siècle, toutes les transactions entre particuliers. Cette législation a donné lieu à des milliers de contrats et de partages qui forment encore aujourd'hui les titres secondaires en vertu desquels se sont établies un grand nombre d'exploitations; contrats que l'article 552 du code civil avait pris sous son égide tutélaire.
Néanmoins la loi du 21 avril 1810, tit. 2, art. 6, en statuant "que l'acte de concession règle les droits des propriétaires de la superficie sur le 'produit des mines' concédées, n'a pas prévu le cas où ces propriétaires pouvaient n'avoir aucun droit aux mines qui existent sous leurs fonds : et cependant au pays de Liége, il en est plutôt ainsi qu'autrement. Aujourd'hui le gouvernement règle ces droits à raison de 5, 10, 15 cens par hectare, et déclare cette redevance 'perpétuelle et inséparable du fond'; de deux choses l'une : si l'indemnité est due au propriétaire du fond, tandis qu'il existe un propriétaire 'terrageur', il s'ensuit que la loi dépouille l'acheteur pour rendre au vendeur ce qu'il a vendu. Si par une interprétation, on décide le contraire, on retombe dans une nouvelle difficulté; car si l'indemnité doit suivre le fond, tandis que l'objet de cette indemnité en est séparé depuis un siècle et plus, comment le terrageur pourra-t-il 'exercer ses droits acquis'?

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"rentut et perennes rivuli quorum intuitus debentur immobilium naturem habeant ob perpetuam causam" Mean, Obs. 98, N° 12.
Ainsi donc le cens d'arène est une redevance foncière et héréditaire considérée comme immeuble.
Cette redevance affecte toutes les mines auxquelles l'arène a été ou sera communiquée, soit au-dessus, soit au-dessous de sa mer d'eau.
À défaut d'arène, cette redevance est due au propriétaire du fond, alors que l'exploitant verse les eaux au jour; elle se paie doublement et simultanément au propriétaire et à l'arènier, si, après s'être servis de l'arène, les exploitans versent au jour les eaux de leurs travaux, (Record du 15 juin 1570).
Le cens d'arène existait avant la Paix de St-Jacques, où on le trouve formellement rappelé. Des anciens documens prouvent que depuis l'an 1514 jusqu'en l'année 1629, les propriétaires des arènes du Val-St-Lambert, de St-Hubert, de Brosdeux, du Marteau à Herstal, de Blavier, des Gottes à Flémalle et de Lhonneux à Souhon, ont rendu 'prises puissance, donation, faculté, permission' d'ouvrir sus et en limite de leurs arènes respectives, toutes mines de houille, les uns moyennant le 70me, le 80me du produit brut, les autres moyennant un, deux ou trois pour cent des extractions.
Peu à peu l'usage fixa invariablement le cens d'arène au 80me du produit brut des extractions et c'est sur ce pied que les exploitans l'ont constamment acquitté depuis une longue suite d'années.

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Cette fixation fait ressortir l'exiguité de la redevance comparée aux bénéfices que les exploitans retirent des arènes.
Dans son ouvrage, 'de ligno et lapide', Krebs, dit que dans les parties de l'Allemagne, où il existe des mines, le droit que l'on perçoit pour les galeries d'écoulement est du 18me et même du 19me des produits et que ces droits sont dus à toute galerie dont le niveau est à 'dix' toises de la superficie. Cependant au pays de Liége, les arènes sont de 30 à 50 toises de sept pieds au-dessous de la superficie, et bien que les exploitans ne paient rien à l'arènier pour établir le siège de leurs travaux, ni pour construire, puits, galeries, 'bacnures', Bouxtay', 'Avaleresses', etc. Ils ne considèrent pas moins le cens d'arène comme un tribut onéreux et vexatoire. Toutefois il n'est pas d'arènier qui, dans tous les temps, n'ait passé par tous les degrés d'accommodement et de conciliation pour percevoir son cens d'arène et qui, pour éviter d'emmagasiner son 80me, et d'envoyer un commis toutes les quinzaines sur les lieux pour en compter, ainsi qu'il en avait le droit, n'ai consenti à recevoir le paiement de son cens en argent et d'après une évaluation bien au-dessous de sa valeur réelle.
Le cens d'arène a son origine dans les obligations contractées par le Gouvernement envers les arèniers. En acquitant ces obligations, les exploitans n'acquittent pas une dette, une charge personnelle et dépendante de leur volonté; mais ils paient une dette

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éminemment nationale, dette qui doit être d'autant plus sacrée pour eux, qu'en commençant leurs travaux, ils n'ont pu ignorer, ni son origine, ni son existence, ni sa légitimité.
Le cens d'arène est bien moins inhérent à l'arène qu'à la mine sur laquelle le droit réel de l'arènier pèse tout entier.
Ce principe se trouve consacré par un Arrêt de la Cour de Liége, du 20 mars 1811, portant "que le cens d'arène est un droit réel qui doit être acquité par tous ceux qui exploitent les mines qui lui ont été assujetties", il se trouve plus particulièrement encore consacré par un Arrêt de la Cour de cassation de France, en date du 25 juin 1812, portant que "ce cens a 'eu pour cause la concession des mines'".
Il existe aussi un Arrêt de la Cour de Liége, en date du 23 décembre 1808, portant "que le mot 'cens', étant synonime du mot 'rente foncière', doit être regardé comme ayant eu pour cause une concession de fonds par ainsi une concession de mines puisqu'elles partagent la nature du fond."
Les Arrêts de cette même Cour, en date des 24 mars 1807 et 25 mai 1809, méritent d'autant plus d'être cités, qu'ils ont pour base la lettre et l'esprit de nos Coutumes. Le premier déclare "qu'il suffit que les maîtres de fosses se soient servis d'une arène pour être tenus à continuer le paiement du cens, quand même elle leur serait inutile et ne s'en serviraient plus". Le second de ces Arrêts dit :

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"que le paiement du cens d'arène doit être continué alors même qu'on ne s'en sert plus".
On aurait tort d'induire de ces derniers Arrêts, que 'de ce qu'on ne se sert plus d'une arène, elle est devenue inutile'. Une arène peut être inutile par exemple : dans le cas où des exploitans ayant mal conçu le plan de leurs ouvrages, se seraient imaginés qu'en perçant sur une arène, ils auraient obtenu un niveau inférieur à celui qui est résulté réellement du percement. Dans ce cas l'arène à laquelle ils auraient percé peut leur être réellement inutile, mais 'ils ont forfait' et ce délit suffit pour qu'eux et leur successeurs doivent 'ipso facto', le cens à cette arène.
Dans le cas du second Arrêt portant que le cens doit être continué pour l'arène dont on ne se sert plus, il ne s'ensuit pour cela qu'elle soit inutile; car indépendamment qu'elle a servi originairement et que cette circonstance seule suffit pour que le cens lui soit légalement acquis, c'est qu'elle continue à décharger les eaux qui sans elle pèseraient et refouleraient dans tout son district.
Un Arrêt, rendu le 22 mars 1810 au profit des arèniers de Gersonfontaine contre les maîtres de Champay, s'exprime ainsi que dans le dernier considérant : "Attendu en droit, qu'il est de principe en cette matière, que les maîtres d'une exploitation de houille, sont obligés de payer le cens d'arène au propriétaire de la galerie d'écoulement qui, en portant les eaux de leurs ouvrages, leur procure, ou a procuré à leurs prédécesseurs, les moyens

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d'exploiter les veines submergées et sans ce secours, seraient entièrement perdues."
Enfin le jugement rendu par le tribunal de Liége, le 19 février 1806, confirmé par la cour d'appel, le 28 mars 1808, entre les arèniers de Gersonsfontaine et les maîtres de Lahaye, est tellement fort de faits et de principes, que je ne puis m'abstenir d'en faire ici l'extrait.
Ce jugement condamne les exploitans de la Haye, à payer aux arèniers de Gersonfontaine le cens d'arène, 1° parce qu'il est constant que les travaux de la Haye, sont situés entre les deux branches de cette arène : 2° parce que les bures approfondis dans le Bois Mayette y ont été assujettis et que c'est dans ce même terrein qu'est situé le bure de la Haye. 3° Parce que ce bure la Haye n'est qu'un ancien bure repris et rétabli par la société actuelle et qu'il y a forte présomption que ce bure est le même pour lequel le sieur Boulanger, représenté aujourd'hui par le sr. Jeunehomme l'un des actionnaires de la Haye, a paié le cens d'arène aux auteurs des demandeurs. 4° Parce qu'il est une présomption générale, établie en houillère, que dans l'endroit où un canal légalement érigé est dominant, les fosses, qui sont ouvertes en cet endroit, ont versé et versent les eaux sur ce canal, et doivent conséquemment payer le cens d'arène par le motif que les bures, qui avoisinent un canal d'écoulement, ont toujours quelques débouchés ou communications à ce canal, soit par une voie directe et expressément pratiquée, soit par les vides et anciens ouvrages qui se succèdent,

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se joignent et se desserrent l'un à l'autre. 6° Parce qu'il est de principe que les places vides et les excavations sont tenues pour poursuites du canal qui a servi à tirer hors d'icelles. 7° Parce que tout bure qui a été bénéficié dans son origine par une galerie d'écoulement, ne peut se dispenser de continuer le payement du cens d'arène, quand même elle lui serait devenue inutile, et ne s'en servirait plus. 8° Parce que les sociétaires actuels de la Haye ont extrait la mine pendant plusieurs années et sans en être empêché par les eaux, et qu'enfin ils versent leurs eaux sous terre, sans qu'ils aient donné aucune indication de leur décharge.
Ce jugement motivé en entier sur les usages, coutumes et édits, porte avec lui l'empreinte de la science du mineur de l'impartialité la plus exacte, répousse avec équité les moyens des exploitans, et fait honneur aux juges qui l'ont rendu et qui l'ont confirmé.
D'après ce qui vient d'être dit, ou cité, on a déjà dû concevoir la possibilité et la justice qu'une exploitation pût être assujettie à servir plusieurs cens d'arène. En effet si, après les premiers travaux établis par le bénéfice d'une arène, une exploitation vient à communiquer à d'autres arènes, soit que cette communication ait lieu du gré des arèniers, soit d'autorité de justice, le cens est dû à chaque arène. Cette réserve était tellement de droit que, sans garantie semblable, personne n'eût voulu construire une arène dans la crainte de perdre les fruits d'une entreprise aussi dispendieuse. Les exploitans eussent été les plus intéressés à tenter le moyens

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de s'affranchir par des abattemens et des communications illicites, d'un deuxième et même d'un troisième cens.
On a vu au chapitre 1er, §7, que l'arène du Val-St-Lambert fut abattue en 1693 sur l'areine de la Cité. Lorsque, par suite de cet abattement, les eaux furent écoulées, les exploitans se permirent de percer le massif de la serre qui séparait l'arène de la Cité, de l'arène Messire Louis Douffet, et abbatirent ainsi clandestinement une partie des eaux de la première sur la seconde qui lui était inférieure; aussi furent-ils condamnés à payer trois cens d'arène : le premier à l'arène du Val-St-Lambert qui avait bénéficié le siège de leur exploitation; le second à l'arène de la Cité sur laquelle ils avaient été autorisés à abattre les eaux de celle-là et le troisième à l'arène inférieure de Messire Louis Douffet à laquelle ils avaient desserré et communiqué sans la permission des arèniers, sans enseignement de justice, et au mépris du Record de l'an 1607.
Ces jugemens, portant condamnation à trois cens d'arène, furent rendu par les Échevins de la justice souveraine du pays de Liége; le premier à charge du Sr. Fassin, membre de ce même tribunal et premier ministre du Prince de Liége, comme propriétaire de l'exploitation site l''Espérance'; le 2° contre le Sr. Piette également Échevin et propriétaire de l'exploitation dite 'Mabiet'; le troisième contre les propriétaires de l'exploitation dite 'Sauvage Mêlée', et le 4° contre les Maîtres de l'exploitation de la Conquête.

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Parmi les diverses exploitations qui ont été assujetties à payer plusieurs cens d'arène, sont :
1° La houillère 'Roisthier' condamnées en 1591 à payer deux cens, le premier à l'arène de Messire Louis Douffet, le second à l'arène de RichonFontaine.
2° Les quatre houillères dites 'Jeron' aux Tawes, condamnée à payer deux cens d'arène, l'un à Richonfontaine, l'autre à l'arène Brosdeux.
3° La houillère dite 'Mostrandy' à Berleur, paya deux cens d'arène, l'un à l'arène Dordenge, l'autre à l'arène Blavier.
4° La houillère du Gosson, paya deux cens d'arène, l'un à l'arène Blavier, l'autre à l'arène Falloise et Borrette.
5° Et enfin l'exploitation du Beaujonc, par suite des jugemens et arrêts rendus il y a peu d'année, a dû se soumettre à payer deux cens d'arène, l'un à l'arène du Val-St-Lambert, l'autre à l'arène de la Cité.
Ces doubles et tribles cens sont dus par application du record de la cour des Voir-Jurés en date du 12 novembre 1586 lequel porte textuellement : "que le cens d'arène doit s'acquitter à l'arène qui aurait xhorré ou bénéficié autrefois les ouvrages d'une telle fosse comme à celle qui les xhorre et bénéfice actuellement".
En définitif Mr. Leclercq procureur-général, dans son mémoire, comme avocat plaidant en cause des propriétaires de l'arène Blavier contre les maîtres des houillères dites 'Gosson et Lagasse', a complètement démontré l'analogie qui, d'après la coutume de Liége,

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existe entre le cens d'arène pour concession de mines et le cens ou rente annuelle pour concession de fonds. "Bien que le cens d'arène se payât, dit-il, en nature, il n'en était pas moins immeuble comme celui dû pour concession de fonds. Et le défaut de payement de l'un ou l'autre de ces cens, donnait à l'arènier, comme au propriétaire, le droit 'de dessaisir'.
Le parallèle que Mr. Leclercq établit, pag. 10 et suivantes, entre l'arènier qui est supposé bailler les mines qu'il a conquises et le propriétaire qui baille son fonds, l'un moyennant un cens d'arène, l'autre moyennant un cens payable en nature ou en argent, doit fixer d'autant plus l'attention qu'il le fait suivre d'un rapprochement bien juste "un créancier postérieur, dit-il, a le droit de purger le saisissant en lui payant tous les arrérages. Lorsqu'une société d'exploitans saisit la part d'un associé pour défaut de payement de sa quote part des frais, l'arènier peut purger l'action du dessaisi sans rien payer : ainsi, ajoute-t-il, l'arènier, exerce le droit d'un propriétaire : il a concédé le droit à un des associés, il le reprend dès que celui-ci ne peut l'exercer; il ne permet pas que son abandon le transfère à un autre associé".
"L'arènier, continue Mr. Leclercq, a constitué son cens sur les mines que domine son arène, comme le propriétaire concède son fonds pour un cens ou rente annuelle : le preneur d'un fonds peut remettre, en mains de son vendeur, l'héritage qu'il a acquis, en quittant la vesture d'icelui, le contrepant

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et tous les arriérés avec un an à échéoir : de même l'exploitant, qui abandonne, fait déguerpissement de ses ouvrages en offrant à son rendeur, son bure et tous les équipages et ustenciles de l'exploitation; ce qui équivaut à la remise de vesture et au dédommagement que reçoit le rendeur d'un fonds par le contrepant et un an à écheoir".
Néanmoins qu'il me soit permis de présenter ici une observation : de tout ce qui vient d'être dit pour démontrer que le cens de l'arène et le cens provenant d'un 'rendage' de fonds, tiennent de la même nature et ont des effets à peu près semblables dans leurs résultats, on ne pourrait, ce me semble, induire avec fondement qu'il y a identité de droit pour les preneurs.
Le 'rendeur' d'un fond, moyennant le capital qu'il reçoit pour 'contrepant' et moyennant une rente foncière et annuelle qui est aujourd'hui rachetable, se dessaisi de sa propriété. L'arènier, au contraire ne se dessaisit de rien : seulement il abandonne une portion de son droit d'exploiter dans telle partie du district de son arène, moyennant la réserve du 80me du produit brut des extractions. En conséquence l'arènier conserve non-seulement le domaine utile de toute son arène, mais encore l'exercice de tous ses droits et prérogatives; il conserve en un mot son titre primitif dans toute son intégrité. D'où il suit que le cens d'arène n'est point et ne peut être rachetable.

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§ II

DROITS DE ARÈNIERS MAINTENUS PAR LES LOIS ACTUELLES.

Depuis la révolution et notamment depuis la suppression de fait de la cour de Voir-Jurés, donc depuis 1794 jusqu'en 1805, les exploitans s'étaient crus affranchis de remplir leurs obligations envers les arèniers : ceux-ci de leur côté, presque tous dans la classe des rentiers et des propriétaires, ne virent dans l'oubli de leurs droits, qu'un nouveau sacrifice que leur imposaient les circonstances. Néanmoins de nombreux jugemens et arrêts, s'étant accumulés depuis 1804 jusqu'en 1809 sur les propriétaires d'exploitations les plus importantes, déterminèrent ces propriétaires, en l'année 1809, à se pourvoir auprès du gouvernement français pour qu'il saisît l'autorité administrative des contestations qu'ils soutenaient avec désavantage contre les arèniers. Ces derniers, éveillés par une attaque aussi inattendue, firent parvenir au ministre de l'intérieur et au conseil d'état, par l'intermédiaire du préfet de l'Ourthe, des mémoires et des documens propres à justifier et leurs titres et leurs droits : ils firent de plus parvenir un mémoire au comte Laumont, directeur général des mines. Alors intervint l'avis du conseil d'état du 29 août 1809, confirmé par l'Empereur le 20 septembre suivant, et dont je crois indispensable de transcrire ici en entier les dispositions,

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" Le conseil d'état qui, d'après le renvoi ordonné par Sa Majesté, a entendu le rapport de la section de l'intérieur sur celui du ministre de ce département, tendant 'à faire juger administrativement' les contestations nées et à naître entre les propriétaires 'des arènes' ou galeries d'écoulement et les concessionnaires des mines de houille relatives au droit de 'cens d'arène', et en conséquence de 'surseoir' à l'exécution des jugemens et arrêts qui auraient pu être rendus jusqu'à ce jour au profit desdits propriétaires d'arènes contre des concessionnaires des mines et notamment à l''exécution des jugemens et arrêts rendus par le tribunal civil et en la cour d'appel' à Liége."
"Est d'avis qu'attendu que la question a été portée devant les tribunaux 'suivant' les anciens usages établis, et jugée suivant les formes adoptées dans le pays de Liége; que le nouveau systême adopté par la loi sur les mines qui doit être portée à la prochaine session du corps législatif, déterminera les mesures à prendre à l'avenir en pareille circonstance et que la question présentée par le ministre se trouve décidée par cette loi."
"Il n'y a pas lieu à statuer sur la proposition du ministre".
Voici maintenant comme cette question se trouve décidée par la loi du 21 avril 1810, art. 41 et 55.
Art. 41, "ne sont point comprises, dans l'abrogation des anciennes redevances, celles dues à titre de rentes, droits et prestations quelconques pour cession de fonds"

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"'ou autres causes semblables' sans déroger toutefois à l'application des lois qui ont supprimé les droits féodaux".
Il répugne au bon sens que les droits de cens d'arène soient entachés de la moindre féodalité et nénmoins on a fait valoir ce moyen devant les tribunaux.
Art. 55 "en cas d'usages locaux ou d'anciennes lois qui donneraient lieu à la décision de cas extraordinaires, les cas qui se présenteront seront décidés par les actes de concession ou par les jugemens de nos cours et tribunaux selon les droits résultant pour les parties des usages établis, des prescriptions légalement acquises et les conventions réciproques."
Voilà bien, ce semble, la question soumise par le ministre, clairement décidée : voilà les droits des arèniers bien placés sous l'égide de la loi et sur les plateau de la balance. Si en outre l'on se reporte aux discours des orateurs, on ne pourra s'empêcher de reconnaître que l'intention des législateurs, comme celle de la loi même, a été, non pas d'ajouter, mais bien d'imprimer aux droits des arèniers, le sceau ineffaçable de la justice.

§ III

LES ARÈNIERS SONT-ILS DANS L'OBLIGATION D'ENTRETENIR ET RÉPARER LES ARÈNES?

Cette question aussi délicate qu'intéressante se résolverait tout entière à l'avantage des exploitans

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si elle pouvait être présentée dans le cas simple et chacun dira d'abord : 'qui sentit commodum debet sentie incommodum'.
Pour mettre cette question dans son véritable jour, il est nécessaire de remonter à la source des titres et droits des arèniers.
Nous avons vu que le Gouvernement Liégeois a provoqué, protégé, encouragé, dans l'intérêt public, la construction des arènes : Nous avons vu que ce n'est point avec les exploitans, mais bien avec le Gouvernement, que contractèrent les Notables et les établissemens les plus fortunés du Pays; qu'ainsi la construction des arènes eut lieu, non à la réquisition, pour le service et l'intérêt particulier des exploitans, mais pour et dans l'intérêt de la société entière. (1)
Nous avons également vu que pour reconnaître l'important service qu'ils ont rendu à la chose publique (et ob perpetuam causam), ils jouirent du droit d'exploiter les mines qu'ils avaient 'conquises' et qu'ils conquereraient par la suite, ou de recevoir à l'extraction le tantième que l'usage fixa au 80me.
Ainsi, l'arène étant construite, ne peut-on pas dire que les deux parties contractantes, satisfaites l'une de l'autre, ont rempli complètement leurs obligations et qu'elles n'ont plus rien à s'exiger respectivement?

(1) Le 16 novembre 1625, la cour des Voir-Jurés déclara : "que l'établissement des arènes 'Redonde' plus au profit du Prince et de la chose publique, qu'à ceux qui les ont faites et 'procurées'".

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Comment se fait-il donc que des tiers, des exploitans viennent dire aux arèniers : "Entretenez vos arènes. Nous nions que vos arènes, bénéficient ou aient bénéficié nos ouvrages. 'Actor debet venire paratus in judicio?'" Je ne ferai point aux exploitans l'injure de leur attribuer de semblables moyens qui décèlent une profonde ignorance de la matière. Mais pourquoi donc adresser des questions et des dénégations semblables, plutôt aux arèniers qu'au Gouvernement même, qui seul, pouvait dans le principe imposer cette obligation aux arèniers, et qui cependant ne l'a pas fait?
Que les arèniers exploitans aient entretenu leurs arènes, cela se conçoit, cela devait être; mais hors de ce cas, les arènes placées sous la Sauve-Garde des Lois, sont des monumens publics dont la charge est tout entière à ceux qui en usent et en profitent dans leur intérêt privé.
Si d'une part, l'on considère que les conventions entre le Gouvernement liégeois et les arèniers n'imposaient au premier, c'est-à-dire, au Gouvernement, ni avances ni remboursement de fonds; si l'on considère d'autre part, qu'en se livrant à des travaux préparatoires, les exploitans jouissaient comme ils jouissent encore, des bénéfices des arènes sans rien payer à l'arènier; si l'on considère en général qu'à défaut d'exploitations en activité dans le district de leurs arènes, des arèniers se sont vu frustrés de tous cens d'arène pendant des années entières et qu'enfin il n'en est aucune qui ait été ni pu être couvert

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je ne dirai pas des frais de l'entreprise, mais de l'intérêt de son capital; il sera facile de se convaincre qu'aucun arènier n'a consenti ni pu consentir à se charger de la réparation et de l'entretien des arènes, et encore, faudrait-il avant tout démontrer qu'il a été dans la pensée du Gouvernement, de leur en imposer l'obligation.
L'art. 8 de la Paix de St-Jacques, est ainsi conçu : "Item, 'usage' est que toutes arènes faisant forches, une ou plusieurs, que de l'oeil de l'arène jusqu'à 'la forche', qu'elles doivent être entretenues aux communs frais et costenges, et de la forche en amont, que chacun doit tenir son leveau à ses frais et costenges tellement qu'une partie n'ait pas de dommages pour l'autre."
Cette disposition, la seule qui décide de la question, la seule qui exprime la volonté du législateur, paraît aussi claire que précise : car, à qui s'appliquent les mots 'chacun, communs frais et costenges, que l'une partie n'ait pas de dommages pour l'autre', si ce n'est aux exploitans?
Comment donc une question si simple a-t-elle pu être vue sous différentes faces?
On ne pourrait citer une arène qui fasse fourche depuis son embouchure jusqu'au steppement et cela fût-il, cela ne détruirait en rien, ce que je viens de dire. L'arène proprement dite ne commence qu'au steppement, c'est-à-dire, à la veine, jusque là, c'est une véritable galerie d'écoulement, mais formant un tout indivisible avec l'arène. Or, quand l'article pécité dit : que 'toute arène faisant forche, une ou

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plusieurs doit être entretenue aux communs frais et costenges' ce mot 'communs' ne peut concerner l'arènier dont la propriété est indivise, mais il doit nécessairement s'appliquer aux exploitans dont les travaux viennent communiquer à l'arène, où les eaux arrivent et se déchargent sur des points différens.
Remarquez bien, je vous prie, que cet article ne parle pas de 'l'oeil de l'arène jusqu'au steppement', mais bien 'de l'arène jusqu'à la fourche'; or, cette fourche s'opère dans la distance de son oeil au steppement, ce qui n'est pas; ou bien au-delà du steppement, il importe peu; il s'en suivra toujours que, de l'oeil à la fourche, l'entretien 'doit avoir lieu aux communs frais et costenges'. Cette solution se trouve corroborée par la suite de ce même article "'et de la forche en amont' que chacun doit tenir son leveau (niveau) à ses frais et costenges, tellement que 'l'une des partie n'aie pas de dommages pour l'autre'". Ce dernier terme, corollaire de la proposition, lève tous les doutes. On y voit les travaux des exploitans, entrepris sur la veine où l'arène répose son front, se rapprochant de celle-ci et cherchant chacune à y jetter, à la moindre distance possible, leur encre d'espérance et de salut. C'est, à ce point de communication avec l'arène, que les exploitans viennent recevoir de l'arènier le droit d'exploiter les veines qu'ils pourront atteindre; c'est aussi là que commence pour l'arènier le droit d'accession (ob perpetuam causam) droit sacré que le gouvernement lui-même est tenu de lui garantir.

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De quelque côté donc qu'on envisage l'art. 8 de la paix de St-Jacques, il paraît impossible d'y rien y trouver qui autorise l'allégation que c'est aux arèniers à entretenir et réparer les arènes. Ceux-là sont dans une bien grande erreur, ce semble, qui, pour étayer ce principe, invoquent les termes dont s'est servit Louvrex en commentant cet article.
En analysant l'art. 8 de la paix de St-Jacques, Louvrex dit : "arène faisant fourche doit être entretenue aux frais communs des arèniers jusqu'à la dite fourche, et plus haut à proportion que chacun s'en sert. Des deux choses l'une : Louvrex n'a entendu ni pu entendre parler ici que des 'arèniers exploitans eux-mêmes', ou bien il a qualifié d'arèniers les exploitans qui construisaient des 'xhorres' pour parvenir à l'arène : cette qualification se retrouve fréquemment dans les anciens actes, où l'on voit les mots 'xhorre' et 'arène' pris dans la même acceptation. Quoiqu'il en soit, dans l'origine, les arèniers étaient presque tous chefs d'exploitations; c'est ce que prouvent les anciens documens, où l'on voit que les exploitans étaient les 'ouvriers et serviteurs des arèniers'. Dans le temps même, où vivait Louvrex, les arèniers avaient pu cesser d'être chefs d'exploitations, mais les exploitans, 'pour acquérir titres', étaient alors 'ou arèniers, ou aux droits des arèniers', en sorte que Louvrex qualifie d'arèniers, les 'exploitans qui avaient xhorrés et conquis en vertu de l'édit de 1582. Si cette explication pouvait encore laisser quelque doute, je ferais à ceux qui prétendront opposer le commentaire à la Loi,

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les deux questions suivantes : comment appliquer aux arèniers qui, en général ne sont ni ne peuvent plus être exploitans par la trop grande division de la propriété des arènes, comment dis-je, appliquer aux arèniers ces mots : 'A proportion que chacun s'en sert? un arènier non exploitant', et il en exista toujours, s'est-il jamais servi de son arène?
Deuxièmement, et en supposant très-gratuitement sans doute, que Louvrex eût entendu parler des arèniers non exploitant, l'opinion ou l'erreur d'un particulier peut-elle être au dessus de la Loi, et prévaloir à ces séries séculaires de records, de jugemens, de transactions qui, depuis l'an 1514 jusqu'à nos jours, prouvent que l''usage constant a toujours été que la réparation et l'entretien des arènes incombaient aux exploitans'?
L'art. 8 de la paix de St-Jacques, et le commentaire qu'en a fait Louvrex, sont, quant à la lettre et à l'esprit, en harmonie parfaite : de leur rapprochement, de leur combinaison, résultent l'évidence, que ce n'est point aux arèniers, mais bien aux exploitans, aux exploitans auxquels seuls les termes dispositifs peuvent d'appliquer, à entretenir les arènes; et ce, "à 'leurs communs' frais et costenges et de la forche en amont que 'chaque' doit tenir son leveau à ses frais et costenges 'à proportion que chacun s'en sert' tellement que 'l'une partie' n'ait pas de dommage 'pour l'autre'. En pesant tous ces mots, il est impossible, je le répète, d'en appliquer un seul aux arèniers alors qu'ils n'exploitent pas.

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Mr Leclercq, dans son Mémoire en cause des propriétaires de l'arène Blavier contre les maîtres des houillères 'Gosson et Lagasse', page 21 inclus 25, a donné à cette matière les plus amples développemens : ces raisonnemens sont sans répliques. Ce jurisconsulte éclairé, répond aussi à une objection dont les exploitans se sont fait un moyen contre les arèniers.
L'art. 1er de la Paix de St-Jacques, statue : "Que les profits de l'arène doivent suivre à celui qui l'a construite, ainsi qu'à ses successeurs après lui : 'si donc ne la perdaient ou méfaisaient de leur coulpe'."
De ces dernières expressions, les exploitans ont tiré l'induction qu'un arènier, qui n'entretenait pas son arène, ou qui la laissait obstruée, avait méfait de sa coulpe.
La manière dont Mr Leclercq, a relevé ce raisonnement, en a fait ressortir tout le ridicule.
Indépendamment qu'on ne voit pas par quel motif des arèniers non exploitans chercheraient à perdre leur arène et méfaire de leur coulpe, puisque d'un côté, ils se nuiraient à eux-mêmes, et que d'un autre, ils s'exposeraient à être poursuivis comme tout autre Citoyen qui aurait porté atteinte au cours des arènes, c'est qu'il est incroyable que l'on puisse considérer l'arènier comme coupable d'un méfait, alors qu'il n'y aurait que négligence de sa part. Ici, le mot méfait, dans sa véritable acceptation, signifie une mauvaise action qui porte préjudice à autrui; or, ce qui porte réellement préjudice à autrui est un délit.

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Comment donc caractériser de délit, la négligence qu'aurait apportée l'arènier à réparer une arène en supposant qu'il ait été tenu à cette réparation?
Toujours l'art. 1er de la Paix de St-Jacques à la main, les exploitans ont encore cru trouver dans le N° 5, un moyen favorable à leur système.
"S'il arrivait qu'aucune araine, stronlasse ou remontasse au-devant quelque parte que ce fust en lieu de la droite course, celui à qui l'araine seroit, la peut aller requérir et discombrer parmi les dommages de l'héritage desseur."
Dans ce texte, les exploitans croient apercevoir l'obligation aux arèniers d'entretenir et réparer les arènes. Il est palpable que cette induction est purement arbitraire.
Pour reconnaître une arène que l'on a méchamment encombrée, il faut bien y pénétrer : pour y pénétrer il faut bien faire enlever les encombres : or, faire enlever les encombres dans le but indiqué, est-ce la réparer? Quelle est donc cette manie de métamorphoser en obligation une véritable prérogative dont les exploitans ne pourraient user ni se prévaloir eux-mêmes, qu'en se disant autorisés par l'arènier?
L'on concevra aisément que si les arèniers avaient le droit de faire surveiller, aux dépens des exploitans mêmes, les travaux souterrains, tant pour assurer la conservation de leurs droits que pour connaître les points ou les limites jusqu'où ils pouvaient les exercer, il était également naturel que ce droit, de faire surveiller, s'étendît depuis l'oeil de l'arène jusqu'au steppement.

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Mais suit-il delà, que le droit 'd'aller à la recherche de leur arène, dans les propriétés d'autrui et de les discombrer pour poursuivre cette recherche', emporte implicitement l'obligation de les entretenir? non sans doute, assurément non; le droit de poursuivre et de discombrer une arène, ne pouvait être conféré directement aux exploitans pour une raison qui se présente d'elle-même; c'est que le Gouvernement contractait, non avec des exploitans qui ne tenaient de lui aucune concession, mais avec les arèniers dont il voulait encourager les entreprises en donnant à leurs titres le sceau de la garantie et de la perpétuité.

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