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CHAPITRE III
Des Exploitans.
PARAGRAPHE PREMIER.
ORIGINE DES TITRES DES EXPLOITANS.
On sait généralement, qu'au pays de Liége, les mines appartenaient aux propriétaires de la surface; on sait aussi que ces mines pouvaient être, ainsi que leur exploitation, des objets de transactions entre particuliers; et qu'enfin, la propriété de la surface et la propriété des mines, gissant sous cette surface, pouvaient se trouver en des mains différentes, de sorte qu'il pouvait y avoir un propriétaire 'superficiel' et un propriétaire 'terrageur'.
Mais ce qui aujourd'hui est moins connu, c'est que l'ancienne législation, dans l'intérêt de la société, autorisait la 'Conquête', c'est à dire, la faculté de
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se faire adjuger judicièrement l'extraction des couches de mines que les propriétaires superficiels ou terrageurs étaient constitués en défaut de pouvoir exploiter.
Cette Conquête, qui ne blessait en rien les droits de propriété, s'opérait judicièrement. Lorsqu'un exploitant était parvenu à se mettre, du gré de l'arènier, en communication avec une arène, il faisait sommation aux propriétaires des mines de les exploiter. Ceux-ci ne pouvant mettre la main à l'oeuvre sans construire eux-mêmes une xhorre pour communiquer à l'arène, opération beaucoup trop dispendieuse pour des propriétés divisées, les Tribunaux accordaient une adjudication de conquête, c'est-à-dire, le droit d'exploiter les mines sous les terreins des propriétaires auxquels sommation avait été faite, et qui se trouvaient ainsi légalement constitués en défaut de pouvoir opérer cette extraction par eux-mêmes. Ces adjudications de conquêtes, n'embrassaient pas et ne pouvaient pas embrasser, comme aujourd'hui, une surface plus ou moins étendue et délimitée, mais s'opéraient au fur et à mesure que l'exploitant se trouvait en état d'abattre par ses travaux les eaux sur l'arène : elle s'opéraient à l'égard de chaque propriétaire : chaque propriétaire devait recevoir une sommation et était admis individuellement et contradictoirement à s'opposer à l'action de conquête. Si l'adjudication de conquête avait lieu, le propriétaire, soit du terrein et de la mine, soit de la mine seule, recevait pour indemnité le quatre-vingtième du produit brut des extractions qui s'opéraient dans son fond. (1)
(1) Cette redevance s'appellait droit de terrage.
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Ainsi donc, les grandes exploitations n'ont été, ni pu être établies que par des actes de conquêtes. Il eût été impossible aux exploitans de trouver tous les propriétaires des terrains, où devaient s'étendre leurs travaux, disposés à ne faire ni opposition ni résistance. Et certes, que de parcelles de propriétés ne contient pas une exploitation? Que de centaines de ces parcelles ne renferment pas une concession moderne?
Cependant, pour obtenir aujourd'hui des concessions de mines de houille, quels sont les titres d'exploitans? Ne sont-ce pas ceux qu'ils tenaient de l'ancienne législation? Ne sont-ce pas les actes de conquête ou tout au moins les travaux qui en ont été la suite? Que deviendraient leurs titres d'exploitation s'ils écartaient, soit les conquêtes adjugées à leurs auteurs, soit les ouvrages que ceux-ci ont entrepris au moyen des arènes? Tous les ouvrages actuels ne doivent leur existence qu'aux arènes sur lesquelles reposent toutes les entreprises et desquelles dérivent, en seconde ligne, tous les droits des exploitans. Je dis 'en seconde ligne', car d'après ce qui a été démontré au chapitre 2, section 2, le titre primitif de concessionnaire appartient à l'arènier, au lieu et degré duquel se trouve l'exploitant, en tant qu'il remplit ses obligations. Se refuser au service du cens d'arène, n'est-ce pas replacer de fait l'arènier dans ses droits? Cette question pourra peut-être paraître bien étrange; cependant si les mines, aujourd'hui concédées par le Gouvernement, sont d'après la Loi du 21 avril 1810, titre 2, art. 7, considérées comme propriété perpétuelle, dont les concessionnaires
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'peuvent être expropriés dans les cas et selon les formes prescrites pour les autres propriétés', pourquoi les arèniers n'auraient-ils pas, comme 'le Rendeur d'un fond', le droit de faire déguerpir? Les droits des arèniers le cèderaient-ils à celui d'un prêteur de fond ou de tout autre créancier?
§ II.
MOYENS DES EXPLOITANS POUR S'AFFRANCHIR DU CENS D'ARÈNE.
Les discussions entre les arèniers et les exploitans n'offrirent jamais autant d'intérêt que de nos jours. Les exploitans ont un axiôme qui prouve qu'ils redoutent peu les discussions : 'un trait de plus', disent-ils, 'et nous plaiderons'. Je l'ai dit, et je le répète : autant que personne, j'apprécie ce que la société doit aux exploitans, surtout à ceux d'entr'eux dont les travaux tendent à suffire au présent et à conserver pour l'avenir; qui, satisfaits de recueillir la juste indemnité due à leur mise de fonds, à leurs soins, à leurs veilles, aux dangers de leur entreprise, cherchent par des travaux sagement combinés, prudemment dirigés, à ménager à la postérité une richesse minérale, dont dépendent les branches les plus essentielles de l'industrie de cette province : mais, c'est encore ici le cas de dire qu'il est des bornes que l'on ne peut outrepasser, sans lèser les intérêts des uns et des autres.
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Les contestations entre les arèniers et les exploitans, qui feront la matière de ce paragraphe, rentrent dans le domaine judiciaire. Néanmoins les exploitans, ayant tenté de s'affranchir de leurs obligations envers les arèniers, soit par les actes de concession qu'ils sollicitent, soit par des dispositions d'administration générale, il m'a paru important de développer la matière.
Les moyens généralement employés par un grand nombre d'exploitans, sont : 1° Le défaut d'entretien des arènes; 2° leur inutilité depuis l'établissement des pompes à vapeur; 3° une dénégation absolue d'avoir des travaux établis dans le district de telle ou telle arène.
Je crois avoir suffisamment démontré au chapitre 2, section 3, combien était peu fondée la première objection; la seconde, sera l'objet du dernier Paragraphe de ce Chapitre; quant à la troisième, c'est-à-dire, à dénégation absolue d'avoir des travaux établis dans le district de telle arène, cette objection va être pleinement réfutée.
'Nulle fosse, nulle exploitation sans arène', tel est l'axiôme du mineur liégeois.
Le record de la cour des Voir-Jurés du 20 novembre 1612, celui du 20 juillet 1618, portent textuellement qu''il est nécessaire et qu'il est de règle que toute société de houillerie doit avoir un arènier et lui payer le cens d'arène'.
Le premier de ces records a été confirmé par le conseil ordinaire, en sa double qualité de conservateur des privilèges impériaux et de juge d'appel;
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il a de plus été souscrit par les principaux exploitans de cette époque. Dans un Mémoire, que fit le procureur général et avocat Raick, pour les arèniers Blavier, et bien qu'il fût lui-même propriétaire d'exploitations de première classe, notamment de celle de Bonnefin, on trouve : 'qu'il est impossible de travailler les veines dessous eau, soit par machine à feu, soit par l'effet de la tinne ou tonneau sans le secours des arènes'.
Le rapport des experts dont j'ai parlé au premier chapitre, § 4, se termine ainsi :
"Nous avons reconnu que les mines de houille étaient ci-devant xhorrées et submergées, et que, depuis qu'on a laissé 'jus' (laissé bas) les eaux qui les noyaient et submergeaient, elles sont rendues ouvrables par le bénéfice de la xhorre (arène) Falloise et Borret, au défaut de laquelle il serait impossible de les travailler, d'autant qu'ils ont reconnu que le niveau d'eau, provenant des ouvrages susmentionnés et autres circonvoisins, ne pourrait abstraire 'avec aucune machine de quelle invention qu'elle puisse être'. Ce que les comparans ont affirmé par serment, là même prêté, et après lecture ont persisté."
Après toutes ces autorités, comment admettre aujourd'hui la dénégation des exploitans qui prétendent se suffire à eux-mêmes, pour l'épuisement des eaux, et qui, sans vouloir admettre aucun arènier, opposent, à celui d'entre les arèniers qui se présente le premier, qu'ils n'usent ni ne profitent d'aucune arène? Une telle dénégation ne peut avoir d'autre but que de placer les arèniers dans une position processive.
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Autrefois, c'est-à-dire, avant le système des concessions, quels étaient les titres des exploitans pour étendre leurs travaux aux veines dont ils n'étaient ni propriétaires, ni terrageurs, ni permissionnaires? Quels étaient les titres dont ils se prévalaient pour obtenir la conquête des mines? C'étaient assurément et uniquement les moyens qu'ils avaient d'épuiser les eaux qui empêchaient les propriétaires de les exploiter par eux-mêmes. Quels étaient ces moyens? La xhorre ou les vides qu'ils avaient pratiqués et qui les mettaient en communication avec l'arène. Comment avaient-ils pratiqué cette communication? En demandant à l'arènier l'autorisation; autorisation qui plaçait alors l'exploitant, à l'égard des propriétaires et terrageurs, aux lieux, places et degrés de l'arènier qui, toujours fut considéré, aux yeux de la Loi, comme concessionnaire primitif des mines qu'on n'eût pu exploiter sans le secours, sans le bénéfice de son arène.
Delà l'usage que tout exploitant, voulant continuer ou reprendre une exploitation, ou bien en changer le siège, se fût bien gardé d'abandonner les anciennes dénominations des fosses ou exploitations sur les ruines desquelles il reprenait les travaux, puisque son titre y était inhérent. Il n'en est plus de même aujourd'hui : les concessions, tenant lieu de titres, le plus grand nombre des exploitans ont changé le nom de leur établissement; et sous une seule dénomination, devenu concessionnaires de 3 à 400 hectares, et plus, dans l'étendue desquels il existait anciennement un plus ou moins grand nombre de houillères qui payaient le cens d'arène,
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ils ont pensé, peut-être, réussir ainsi à s'affranchir d'une redevance qui originairement a été leur seul et unique titre.
Si, suivant le Record de 1607, "'les arènes sont la cause mouvante et efficiente des ouvrages des mines et que, sans elles, ces ouvrages n'eussent pas été faits'. Comment admettre aujourd'hui que les exploitans ne doivent aucun cens d'arène, sous prétexte qu'ils n'usent d'aucune arène? Comment surtout admettre le refus des exploitans de payer le cens d'arène au premier arènier qui le réclame, et dont l'arène domine dans les lieux circonvoisins?
Les exploitans, bien plus que les arèniers, ont la preuve du bénéfice qu'ils reçoivent de telle ou telle arène. Cette preuve, ils la trouvent d'abord dans le niveau des eaux; ils la trouvent dans les registres des comptes des houillères qui environnent le siège de leur exploitation et à l'égard desquelles ils sont, pour la plupart, aux titres des anciens possesseurs; ils la trouvent cette preuve, dans la même inclinaison, dans le même pendage des veines; ils la trouvent, non dans les entreprises des arèniers, mais dans leurs propres travaux; ils la trouvent enfin dans l'obligation où ils sont de reconnaître une arène et de lui payer le cens.
Le 23 septembre 1614, Curtius, échevin de Liége, fait assigner le commissaire Mathieu Lejeune et le Sr. Piette, maîtres de la houillère du Neubure et leurs ouvriers, vu, dit-il, "que ce lieu est situé en lieu suspect, (c'est-à-dire, en lieu douteux,) entre les arènes d'elle Vaux-St-Lambert, de la Cité, et de Falloise et Borret,
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ces deux dernières appartenant audit Curtius; afin que lesdits maîtres et ouvriers aient à cesser de toute oeuvre par ladite fosse, jusqu'à ce qu'ils aient judiciellement déclaré de quelle arène se sont servis, soy servant, et veulent se servir au soulagement des ouvrages de ladite fosse, et jusque à ce encore qu'ils montrent ou fassent apparoir d'être besoignans par grez des 'herniers', (arèniers,) avec enseignement de justice compétent, autrement voir protester de toutes forces, foules, dommages et intérêts."
Le lendemain 24, le Sr. Jennet, pour lui et ses consorts, a allégué qu'ils "soy sont servis et soy servant et soy veulent servir présentement de l'arène Tricnar, (1) et point d'autres, et ce, par le greit du Seigneur hernier d'icelle."
Voilà donc bien l'exploitant forcé de déclarer l'arène dont il se sert, et cette obligation qui lui est imposée, d'où résulte-t-elle? N'est-ce pas la nécessité généralement reconnue que toute exploitation doit avoir une arène? Cette nécessité était, et est tellement absolue, tellement impérieuse, que les anciens Tribunaux adjugeaient toujours, soit provisoirement, soit moyennant caution, le cens d'arène à celui qui présentait un droit apparent, tel que le voisinage des houillères où il recevait le cens d'arène.
(1) L'arène Tricnar fut abattue sur celle de Falloise et Borret, et ne forme avec celle-ci qu'une même propriété.
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§ III.
ATTEINTES ET DOMMAGES CAUSÉS AUX ARÈNES.
Depuis que la révolution vint mettre un terme à l'action et la surveillance de la cour des Voir-Jurés, jusqu'au moment où le Gouvernement français s'occupa sérieusement de rétablir l'ordre dans les exploitations, il s'est écoulé un espace de 12 à 15 ans, pendant lesquels les mines de houille furent pillées et dévastées de la manière la plus désastreuse pour la fortune publique.
Pressés, non seulement de jouir, mais de se couvrir de leurs capitaux, le grand nombre des exploitans osèrent enlever les serres et les piliers qui, placés sous la Sauve-Garde des Lois, étaient consacrés à la sûreté des mineurs et aux limites des arènes. Aussi les désserremens, les éboulemens, les percemens clandestins, non-seulement ont fait périr un grand nombre de mineurs, mais ont établi entre les arènes des communications, dont les exploitans sont justement responsables.
En effet, si des éboulemens portent obstacle au libre écoulement des eaux dans une partie quelconque d'un district d'arène; si, pour se soustraire au cens d'arène, on abat furtivement les eaux d'une arène supérieure à une inférieure; ou si, pour faire croire qu'une arène est desséchée à son embouchure, on construit des canaux ou des xhorres pour détourner les eaux de cette embouchure, si par suite on exécute des travaux de destruction
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dans le canal principal de l'arène ou dans l'arène même, soit en portant atteinte à ses 'Mahais' ou aux ouvrages qui en dépendent, que peuvent donc les arèniers contre de tels attentats? Et comment pourraient-ils être tenus, ni de les constater, ni d'en poursuivre la réparation à leurs dépens? Celui qui érige à ses frais un monument à la gloire ou à la prospérité de sa patrie, fût-il jamais tenu de le faire surveiller et de le faire entretenir?
Je le répète, je le demande encore, que peuvent les arèniers de toutes ces atteintes portées à la propriété publique et à la sûreté des mineurs? D'après quels principes, d'après quelle législation, les arèniers pourraient-ils être tenus de réparer des méfaits dont ils ne sont ni ne peuvent être supposés les auteurs? En un mot, de rendre aux eaux de leurs arènes leur issue ordinaire? Certes si, dans le district d'une arène, il arrivait que les eaux remontassent au-dessus de la mer d'eau, preuve unique et certaine que l'arène serait obstruée de toute part, je le demande, pourrait-on l'imputer à l'arènier, pourrait-on l'en rendre responsable? Voilà pourtant où en ont voulu venir quelques exploitans. Ceux-ci diront sans doute, et vraisemblablement ils l'auront déjà dit, ou fait dire, qu'en empêchant l'écoulement des eaux de leurs travaux sur l'arène, ils se nuiraient à eux-même : cette réponse, si elle était faite par les arèniers, serait sans réplique; mais elle est spécieuse de la part des exploitans. Il n'est pas sans exemple que pour tenter de se soustraire, soit au cens d'arène, soit au droit de versage,
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des expoitans aient fait temporellement, et alors, que leurs ouvrages n'étaient point encore parvenus à une bien grande profondeur, tomber les eaux dans les vides de leurs ouvrages. On en a vu d'autres user du même moyen, pour assécher l'oeil d'une arène, au moment d'une descente juridique, et enfin, n'a-t-on pas vu des exploitans se constituer en dépenses pour construire, à quelques pieds de la superficie, des canaux qui détournaient les eaux de l'oeil de l'arène?
Des jugemens de la cour des Voir-Jurés ont fait justice de semblables manoeuvres : cette cour, composée de personnes qui connaissaient elles-mêmes l'art d'exploiter, ne pouvait aisément prendre le change. Au surplus, il n'est pas une arène, une seule arène qui, malgré tous les méfaits et délits des exploitans, n'ait, dans tout son district, le même niveau d'eau qu'elle avait, il y a quatre siècles.
Aussi l'art. 2, de la Paix de St-Jacques, porte : "Et nous tenons tous en tels points, toutes arènes eaux, pourchasses et rottices pour charbons xhorrés, aussi bien en délivre, comme courant au jour, mais que ladite délivre en avant ait ouverture aux eaux courantes a droit leveu."
'Délivre', c'est ce que les mineurs appellent 'Delouxhe', c'est-à-dire, 'issues' souterraines que les eaux se font avant d'arriver au canal.
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§ IV.
DES CONTESTATTIONS MODERNES ENTRE LES EXPLOITANS ET LES ARÈNIERS.
En l'année 1809, les exploitans se pourvurent au Gouvernement français, afin de 'paralyser l'exécution des jugemens et arrêts' qu'avaient obtenus contr'eux les propriétaires d'arènes : ils tentèrent en outre de faire juger administrativement les prétentions des arèniers. De deux choses l'une : ou les exploitans espéraient que, près des autorités administratives, les avis des ingénieurs pourraient donner un jour plus favorable à leur cause, ou ils espéraient que l'autorité administrative, sacrifiant les droits des arèniers à l'intérêt, suivant eux, de la chose publique, leurs oppositions auraient plus de succès.
En l'an 1816, ils exposèrent encore au Gouvernement de la Belgique, comme ils d'avaient fait au Gouvernement français, que les 'arènes n'étaient plus utiles à leurs travaux, que la plupart des canaux étaient obstrués et ruinés, que l'eau ne se montrait plus à leur embouchure', et qu'enfin, les arèniers s''obstinaient à ne point les entretenir, ni réparer'.
Pour étayer leurs moyens, les exploitans se prévalurent d'un arrêt rendu le 9 pluviôse an X, par la Cour de Liége, au profit des maîtres de l'exploitation Gosson, contre les arèniers de Falloise et Borret;
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Arrêt motivé, sur ce que, le canal de cette arène, était 'obstrué et desséché'.
Le public a su que cet Arrêt n'avait été rendu qu'à la majorité d'une voix, et par une Chambre dont la majorité a pu bien certainement paraître étrangère à la matière, (1) ce qui semble confirmer cette opinion, c'est que dans une cause identique, que soutenaient les mêmes exploitans, contre les propriétaires de l'arène Blavier, le Tribunal de première instance, 'sans égard à l'arrêt du 9 pluviôse an X, adjugea par jugement du 9 mai 1826. Le cens d'arène aux arèniers de Blavier. Une autre section de ce même Tribunal, et 'nonobstant tous les moyens puisés dans ce même arrêt, du 9 pluviôse an X', adjugea par jugement du 23 février 1815, confirmé par la Cour supérieure de justice de Liége, le cens aux propriétaires de l'arène du Val-St-Lambert.
Dans cet état de choses et bien que nantis de l'Arrêt du 9 pluviôse an X, les exploitans du Gosson, n'en transigèrent pas moins avec les arèniers de Blavier, auxquels ils payèrent six mille francs pour arrérages et auxquelles ils s'obligèrent de payer à l'avenir le cens d'arène, tant pour la houillère du Gosson, que pour celle de Lagasse, qu'ils rétablirent en après.
Mr. le procureur général Leclercq, avait fait alors, comme avocat plaidant, un mémoire très lumineux, pour démontrer que les arènes devaient être réparées et entretenues par les exploitans. Aussi, il y a tout
(1) Ceci ne fût pas arrivé aux Voir-Jurés.
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lieu de croire que ce mémoire, dessillant les yeux aux exploitans, aura déterminer la transaction dont il s'agit.
Quoiqu'il en soit, les exploitans n'en recoururent pas moins en 1816, au Gouvernement actuel et étayèrent encore ce recours sur l'Arrêt du 9 pluviôse an X.
Le Gouvernement nomma une commission de cinq membres, auxquels furent renvoyés les pièces et l'examen des questions ci-après posées :
1° Quelle a été l'origine des arènes et de leur cens?
2° Quels sont les droits et 'les obligations' de ceux qui s'en disent propriétaires?
3° Quelles sont les 'servitudes' des 'exploitations' de mines à leur égard?
4° Quels sont les droits de la ville de Liége, relativement à l'alimentation de ses eaux et fontaines?
5° Et enfin, quels sont les dommages causés aux arènes? Leurs auteurs, le moyens de les faire réparer et par qui?
Sur cette dernière question, et nonobstant la coutume, la jurisprudence, les jugemens et les contrats qui prouvaient le contraire, la commission décida unanimement, à l'exception d'une voix, (1) que la réparation et l'entretien des arènes, 'était à la charge des arèniers'.
La commission ne pouvait qu'instruire et non décider; son avis a dû nécessairement produire l'effet contraire,
(1) J'ai fait partie de cette commission et alors mon opinion était la même que j'ai exprimée dans cet ouvrage.
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qu'on en espérait. Si la commission eût été d'avis que c'eût été, non aux arèniers, mais bien aux exploitans, d'entretenir et de réparer les arènes; alors, il est très-vraissemblable que le Gouvernement, pour prévenir toutes discussions et procédures ultérieures, et après avoir mûrement examiné et décidé la question, eût prescrit aux exploitans, dans les actes des concessions, d'entretenir et réparer les arènes. Mais la commission ayant pensé le contraire, faut-il s'étonner que le gouvernement aie gardé le silence, et que leurs vives sollicitations aient eu pour résultat la décision royale du 16 mars 1827 qui rejette leur requête, laquelle tendait à être 'dispensés de payer le cens d'arène'.
Cette demande, faut-il en convenir, était bien singulière. Que dirait-on d'un particulier, qui, ayant été condamné en dernier ressort, se pourvoirait au Gouvernement, pour être dispensé de payer ce qu'il doit?
$ V.
UTILITÉ DES ARÈNES AUX POMPES À VAPEUR.
Après ce qui a été dit au Chapitre 1er., Sect. 5, il me reste peu de choses à ajouter pour démontrer que les arènes sont non-seulement utiles mais nécessaires, très-nécessaires aux pompes à vapeur.
Il y a précisement un siècle que les pompes à vapeur furent introduites dans les exploitations de mines de houille du pays de Liége :
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Alors il en fut établi quatre. Comment s'est-il donc fait qu'aucun exploitant, si ce n'est quelques exploitans modernes, ne se soient avisé dans un intervalle séculaire, d'opposer dans leur intérêt privé, l'inutilité des arènes? La réponse se trouverait-elle dans une différence à établir entre les anciens exploitans et le plus grand nombre d'exploitans modernes? Serait-ce parce que les premiers étaient des gens de métier, tandis que le plus grand nombre de derniers, sans connaissance aucune de l'art de mineur, ne voient dans les exploitations qu'une entreprise plus ou moins luvrative? Cependant, dans leurs moyens hostiles contre les arèniers, des exploitans ont fait valoir, les uns que les pompes à vapeur ont paralysé les bénéfices des arènes, les autres ont prétexté qu'ils versaient au jour les eaux de leurs ouvrages.
Ce qui se passe sous nos yeux, ce qui se passe en Angleterre, prouve que les premiers ont tort, puisque les arènes sont encore aujourd'hui ce qu'elles étaient il y a plusieurs siècles, ce qu'elles furent à leur origine même. Aujourd'hui comme alors, elles présentaient, soit dans les ouvrages souterrains, soit dans l'orifice des bures, le même niveau d'eau : s'il arrivait que ce niveau fût aujourd'hui inférieur, où se trouvât exhaussé en quelque partie, les exploitans seuls auraient pu commettre l'abattement ou élever l'obstacle. Mais diront les exploitans : si les arènes reçoivent et déchargent les eaux qui viennent de la superficie et si le sein de la terre n'en contient pas, quel pourrait être le motif d'élever à si grand frais des pompes à vapeur?
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Déjà cette question a été résolue au tit. Ier §5. J'y ajouterai cette réponse que les arèniers peuvent aussi faire de leur côté.
Pourquoi vous et vos auteurs, que rarement vous représentez par succession, mais dont vous avez, avec tant de soins et à titres plus ou moins onéreux, acquis les droits, lieux places et degrés, pourquoi dis-je, pour avoir des titres à la succession, que vous avez obtenue ou que vous sollicitez avec tant d'instances, avez-vous commencé par exploiter les veines les plus rapprochées de la superficie? Que les exploitans primitifs aient attaqué ces veines parce qu'ils n'en connaissaient peut-être pas d'inférieures, que ceux qui leur ont succédé, bien qu'aidés des arènes, aient suivi les travaux dans les couches attaquées, cela peut se concevoir; l'art d'exploiter était dans son enfance : mais que vous ayez continué de porter vos travaux sur les couches supérieures; que vous ayez fait pis encore en rappelant les piliers et les massifs, rappel qui ne peut, qui ne doit avoir lieu que lorsqu'une exploitation, parvenue à la plus grande profondeur possible, se trouve totalement épuisée et est conséquemment arrivée à son terme, voilà ce qu'il serait difficile de résoudre dans l'intérêt de la société; on ne le résolverait pas dans le vôtre si le besoin de jouir ne vous eût fait sacrifier les ressources de l'avenir.
À l'époque de l'établissement des pompes à vapeur, et il en était temps encore, si au lieu d'attaquer les mines les plus proches de la mer d'eau, si vous-même
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depuis 30 à 40 ans, eussiez employé les moyens pour atteindre les couches à plus grande profondeur possible, vous n'auriez point à redouter ces mares d'eau considérables qui se sont formées dans les vides de vos travaux et qui, sous les pieds, sur la tête du malheureux mineur, menace de l'engloutir à chaque instant.
Soit qu'elles aient échappé par leur affluence à la décharge que présentait l'arène, soit qu'elles soient tombées d'aplomb par les anciens bures, soit qu'avant la construction des arènes, elles eussent déjà occupé des vides inférieurs à leur niveau, ce sont ces eaux que les pompes à vapeur doivent faire remonter au niveau de l'arène et que sans le secours, de celles-ci, vous devriez remonter au jour; ce sont ces eaux qui, accumulées par des travaux irréguliers et parfois clandestins, ont causé la mort à tant de mineurs et qui ont amené des catastrophes semblables à celle de Beaujonc.
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