samedi 1 décembre 2007

Percement du tunnel sous Pierreuse en 1871-1876

? d'après une transcription dactylographiée des Annales des Travaux Publics de 187x (1877, p.341 d'après Google Books) ?



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Parmi tous les ouvrages exécutés dans cette tranchée, le mur de soutènement de la rue Volière seul, a donné lieu à des difficultés et à des accidents. Les fondations de ce mur ont été établies sur une certaine longueur dans les schistes, mais l'emplacement de toute la partie amont du mur jusqu'en regard de l'église Saint-Servais, le terrain inférieur était argileux, plus ou moins tourbeux et humide; à partie de l'église jusqu'au tunnel sous pierreuse, le terrain inférieur schisteux était traversé par les eaux d'une source très abondantes qui ont été recueillies dans un petit aqueduc longitudinal situé au pied du mur et détournées vers l'égout de Saint-Séverin qui passe sous les voies. Malgré la précaution prise de n'effectuer les fouilles et de ne construire le mur que par parties successives, des tassements ont été provoqués dans la rue Volière, qui ont eu pour conséquence en premier lieu, la rupture d'un joint dans la maitresse conduite des eaux alimentaires, ce qui a failli compromettre l'existence de tout le mur; en second lieu, des mouvements assez importants dans l'église Saint-Servais établie à 4 mètres de distance du parement du mur, et sise en contrehaut des fondations du mur.

La fabrique d'Eglise a intenté une action en dommage et intérêts à l'Etat, mais l'issue du procès au moment de la rédaction de la présente notice, n'est pas encore connue.

TUNNEL SOUS PIERREUSE.

Le tunnel sous Pierreuse , commencé à son extrémité amont au mois de janvier 1873, et à son extrémité aval au mois de novembre 1871, il a été terminé complètement au mois de novembre 1876. Sa longueur qui, primitivement, était de 541 mètres, a été portée définitivement à 723.50 m, à la suite des éboulements survenus dans la tranchée n°5.
Cet ouvrage d'art a sa partie amont creusée dans le schiste, sa partie intermédiaire dans le schiste et le grès houiller, et il a sa partie aval établie dans le terrain argileux.

Travaux imprévus.
L'exécution de ce tunnel a donné lieu à des travaux imprévus très importants, qui consistent notamment en travaux de consolidation effectués au droit de la rencontre de l'ouvrage d'art avec une ancienne exploitation de grès; en travaux de consolidation effectués dans une couche de houille exploitée qui coupe le profil en long suivant une inclinaison de 20%; en travaux de détournement d'une galerie qui alimente la fontaine Saint-Jean rue Hors-Château, et finalement en travaux de construction de la partie aval du tunnel substitué à la tranchée primitivement prévue.
La traverse des travaux de grès avec le tunnel a donné lieu à des difficultés très sérieuses. Après avoir opéré la jonction des galerie d'avancement amont et aval dans les carrières mêmes, il a fallu commencer par assurer au moyen d'un boisage complet, la sécurité de la circulation dans les carrières dont le ciel était crevassé dans tous les sens, et où un grand nombre de blocs de grès suspendus, se seraient inévitablement détachés pendant l'exécution des travaux sous l'influence seule des vibrations produites par les explosions des mines.

L'on exécute ensuite, par partie successives, en traversant le remblai de la carrière au moyen de puits blindés, les murs de soutènement a, b et cd, prenant appui sur le banc de grès inférieur et s'élevant jusqu'au ciel de la carrière, et l'on construisit simultanément les parties correspondantes des piédroits du tunnel, maçonnés en liaison avec les murs de soutènement. Puis, l'on effectue le déblai nécessaire pour construire la voûte du tunnel par anneaux successifs, tout en protégeant le travail contre un effondrement du plafond de la carrière, au moyen de boisages solidement établis. La voûte fut consolidée par des contreforts reliés aux maçonneries des murs de soutènements, espacés de 3 en 3 mètres et s'étendant également jusqu'au plafond; les intervalles compris entre les contreforts, furent remblayés avec les déchets de carrière placés à la main, et mainte pièce de bois dont l'enlèvement eut pu compromettre les travaux, fut noyée dans la maçonnerie.

Entretemps, les tronçons amont et aval du tunnel se rapprochaient de plus en plus des travaux en cours d'exécution dans les carrières, et l'on constata des deux côtés, ainsi que dans la carrière même, la présence d'une couche de houille exploitée et imparfaitement remblayée, qui plongeait vers l'amont avec une inclinaison de 20%. Cette découverte ne fut rien moins que rassurante.

En effet, le tronçon amont du tunnel, décintré et terminé complètement jusqu'au point d'émergement de la couche, se trouvait en quelque sorte suspendu, sa conservation n'est due qu'à la résistance des bancs de grès inférieurs. Une instruction immédiate des maçonneries nous montra, par de petites lézardes horizontales dans les joints des piédroits, qu'un léger affaissement s'était déjà produit sur une étendue de 70 mètres environ. Après avoir référé à l'Administration supérieure, celle-ci décida que toute la couche serait vidée et remplie de maçonnerie sur la largeur correspondante au tunnel.

Ces travaux ont été exécutés en creusant dans l'axe du tunnel des puits espacés de 20 mètres d'axe en axe, descendu jusqu'à la couche et réunis par une galerie, afin de pouvoir entamer les travaux en différents points à la fois. Le remplissage s'est ensuite effectué en procédant par petites galeries transversales débouchant dans la galerie principale et poussées jusqu'à 0,50 m au delà de chaque piédroit. L'abondance des eaux et l'inclinaison de la couche a rendu le travail difficile et lent, il a fallu recourir à plusieurs pompes à bras et à l'emploi d'une locomobile pour les épuisements. Le tout a été déterminé endéans les cinq mois.

La galerie Richon-fontaine a pu heureusement être détournée sous le radier du tunnel, ce qui a permis de conserver la prise d'eau qui alimente la fontaine Saint-Jean, ainsi qu'une série d'habitations particulières, et dont le débit est représenté par 102 xhansions (1), ce qui équivaut à un capital de 50.000 au minimum.

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(1) Un xhansion représente un orifice d'un quart de pouce de Saint-Lambert, soit 0,0075 m de diamètre, son produit normal est de cinq litres par minute.
Un xhansion mis en vente publique a été adjugé 500 francs en 1874. Avant l'organisation du service des eaux alimentaires, un xhansion valait de 1.500 à 2.000 frs.
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Les travaux de consolidation exécutés dans les carrières ont coûté la somme de 14.190 francs, les travaux de remplissage de la couche de houille exploitée, ont coûté la somme de 33.526 francs et le détournement de la galerie a donné une dépense de 4.000 francs.

La partie aval du tunnel a été exécutée en remplacement d'une tranchée où s'étaient produits des éboulements considérables et des glissements de terrains tels, que l'administration a jugé que le maintien de la tranchée était sinon impossible, du moins dangereux pour l'avenir.

La planche n° XIX, fig. Ire, montre quel est le système de revêtement adopté pour une partie du tunnel de 73,50 m. de longueur, où les mouvements dans les terrains supérieurs avaient présenté un caractère des plus alarmants. Pour équilibrer la poussée des prismes de rupture du terrain de la montagne, et éviter en même temps la déformation de la voûte, l'on a contrebuté le tunnel par des contreforts ayant le profil d'une culée fondée au même niveau que les piédroits, et reliés par des voûtes de décharge destinées à supporter un mur de terrasse. Ce mur a permis d'établir au dessus du tunnel une couche de remblai de 2,40 m. d'épaisseur à l'extrados de la voûte, qui contribue à la stabilité de l'ouvrage.

Tout le travail construit à ciel ouvert a été conduit à bonne fin en 1876, sans qu'aucuna accident soit survenu. L'on a commencé par le piédroit de droite et les contreforts, et l'on a exécuté ensuite le restant de la section du tunnel par les parties de 5 à 6 mètres de longueur en entamant le radier d'abord pour terminer par le mur de terrasse. Le remblai soigneusement dammé s'effectuait au fur et à mesure de l'avancement des diverses maçonneries.

Cette partie du tunnel, y compris la dépense faite au préalable pour la tranchée et le revêtement des talus a coûté 1500 frs le mètre courant.

Les deux autres parties du tunnel, l'une de 44 mètres de longueur qui ferme l'extrémité aval de l'ouvrage d'art, et l'autre de 58 mètres qui précède la partie de 73 mètres exécutée d'après la description qui vient d'être donnée, ont été construites avant l'achèvement de la tranchée; on s'est contenté de donner un revêtement de 0,75 m. d'épaisseur à la voûte et aux piédroits, et d'établir extérieurement un mur de soutènement pour former une terrasse au dessus du tunnel.

DÉGATS ET DOMMAGES
Les dommages occasionnés à la surface par l'exécution du tunnel ont été peu importantes. La propriété des Rédemptoristes, située au-dessus des anciennes carrières de grès et de la couche de houille exploitée, a été la plus endommagée. L'Administration a payé pour les frais des réparations des murs des terrasses, des serres, etc... la somme de 4.673 francs.
Les autres indemnités payées sont insignifiantes.
L'exécution du tunnel sous la rue Pierreuse a donné lieu à quelques embarras, à cause de l'existence d'un égout et d'une maitresse conduite des eaux alimentaires. Le passage sous les maisons acquises par l'Etat s'est effectué en usant des précautions déjà prises pour les maisons de la rue Saint-Séverin.
Le tunnel, abstraction faite des travaux de consolidation mentionnés, a donné lieu à une dépense de 1300 frs le mètre courant.
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